Les dénonciations ont peu d’impact sur le bilan

Steven Blaney a tenu une conférence de presse en grandes pompes lundi à Montréal pour présenter le bilan du programme de dénonciation. Or, elles ne contribueraient en réalité qu’à moins de 2 % des expulsions.
Photo: Paul Chiasson La Presse canadienne Steven Blaney a tenu une conférence de presse en grandes pompes lundi à Montréal pour présenter le bilan du programme de dénonciation. Or, elles ne contribueraient en réalité qu’à moins de 2 % des expulsions.

Célébré avec éclat par le gouvernement conservateur, le programme des personnes recherchées par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) n’influence pratiquement pas le bilan des personnes expulsées pour des raisons de grande criminalité, révèlent des informations obtenues par Le Devoir. L’impact du programme est de moins de 2 %.

Selon des données transmises par l’ASFC, il y a chaque année entre 650 et 750 personnes renvoyées du Canada pour des motifs dits de « criminalité grave ». Ces gens sont majoritairement expulsés vers les États-Unis (environ 150 personnes par année) et la Jamaïque (près de 70 personnes annuellement).

Les données ont été fournies pour tous les ans depuis 2004. En 2013 (dernière année complète), 714 personnes ont été expulsées pour criminalité grave, sur un total de 15 473 renvois. Ceux-ci peuvent également s’expliquer par des motifs de « criminalité moins grave », de problèmes de santé ou financiers, de violation des droits de la personne, de crime organisé, par des raisons de sécurité ou de non-conformité (de loin la raison la plus fréquente).

Peu d’effets

Lundi, le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, avait convoqué une conférence de presse à l’aéroport de Montréal pour célébrer le fait que 51 criminels non-résidents avaient été expulsés depuis juillet 2011 grâce à la mise en place du programme des personnes recherchées. Ces personnes étaient recherchées pour des raisons de crime de guerre, de sécurité nationale ou, surtout, de grande criminalité.

Le programme consiste en la diffusion sur Internet d’une liste de criminels recherchés mais évaporés dans la nature canadienne : un numéro de téléphone permet à la population de fournir des renseignements pour aider les autorités à les retrouver. En trois ans et demi, 280 appels ont été faits auprès de l’ASFC.

« Depuis sa création, le programme des personnes recherchées joue un rôle inestimable pour faire en sorte que les Canadiens deviennent des partenaires afin de maintenir la sécurité dans nos collectivités en renvoyant des criminels, a dit M. Blaney lundi. Grâce à l’appui de la population, nous avons des résultats spectaculaires. »

Mais, dans les faits, la collaboration de la population a peu d’impact sur les résultats. Depuis 2011, 2750 personnes ont été expulsées pour criminalité grave. Ainsi, moins de 2 % des renvois peuvent être attribués au programme.

Et encore : l’ASFC dit qu’elle ne « peut formuler d’hypothèses sur le nombre de cas qui auraient été réglés sans l’aide du public. Pour certains d’entre eux, les arrestations sont directement attribuables à l’information reçue du public. Pour d’autres, l’information communiquée par le public a permis à l’agence de mieux orienter son enquête ».

Cela fait dire à l’opposition officielle que le gouvernement « exagère pour bien paraître dans les nouvelles ». « Ce n’est pas mauvais en soi, d’avoir expulsé 50 personnes,estime Lysane Blanchette-Lamothe, critique du NPD en matière d’immigration. Mais on ne peut pas parler de résultats spectaculaires non plus. Quand on regarde ces chiffres, on se rend compte que c’est surtout le travail des fonctionnaires et des spécialistes qui aide. »

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