Alimentation au Nunavut: la ministre Aglukkaq dans l'embarras

Ottawa — La ministre de l’Environnement songe à poursuivre le maire d’un village du Nunavut qui a signalé, sur le Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN), que des citoyens étaient forcés de recourir aux dépotoirs pour se nourrir.

Selon le reportage d’APTN, le maire suppléant de Rankin Inlet, Sam Tutanuak, aurait reçu un appel du bureau de la ministre pour lui demander de démentir ces informations et d’envoyer une lettre d’excuses à Mme Aglukkaq et au Parti conservateur.

En Chambre, le gouvernement a nié que Mme Aglukkaq ait placé de tels appels. Dans un communiqué transmis vendredi, Leona Aglukkaq a pour sa part affirmé n’avoir eu aucun contact avec M. Tutanuak. « Je n’ai aucunement parlé avec le maire suppléant lors de cette conversation téléphonique. De plus, en aucun cas moi ou mon bureau avons demandé des excuses de quiconque à Rankin Inlet. »

La ministre affirme qu’elle est entrée en contact avec l’adjoint administratif principal de Rankin Inlet — un village de sa circonscription — car elle avait été « troublée d’entendre des reportages au sujet de familles » qui luttent pour trouver de la nourriture.

« Les propos du maire suppléant au sujet de cette conversation sont complètement faux. Je suis présentement en train d’analyser tous les recours possibles », a signalé Mme Aglukkaq.

Problèmes d’approvisionnement?

Mais Sam Tutanuak maintient sa version des faits, a indiqué en entrevue téléphonique le maire de Rankin Inlet, Robert Janes.

 

« Nous tentons de déterminer quelle sera notre stratégie », a-t-il laissé tomber en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne, vendredi.

Le maire n’a pas voulu aborder directement les informations voulant que certains de ses concitoyens étaient contraints de fouiller dans les ordures pour trouver quelque chose à se mettre sous la dent.

« Il est vrai que les citoyens vont au dépotoir ; moi-même je vais au dépotoir — pas pour de la nourriture, mais par exemple, si j’ai besoin d’une pièce automobile », a exposé M. Janes.

« Laissez-moi présenter les choses de cette façon : toutes les communautés nordiques ont des problèmes avec l’approvisionnement en nourriture », a poursuivi le premier magistrat.

Selon la version des faits du maire suppléant, l’appel du bureau de la ministre Aglukkaq a été logé mercredi.

Réaction en Chambre

 

Selon certains députés, la ministre criait jeudi, en Chambre, qu’il était faux de prétendre qu’il existait un tel problème à Rankin Inlet.

« Je me souviens très bien, quand j’ai posé ma question la première fois [jeudi], qu’elle criait — et tout le monde a entendu la ministre crier après nous pour dire que ce n’était pas vrai », a assuré en point de presse le député néo-démocrate Romeo Saganash, vendredi.

Il a dit ne pas croire aux démentis de Mme Aglukkaq.

« Elle a une réputation de ce genre-là dans le Nord, demandez à n’importe qui dans le Nord, une réputation d’essayer d’intimider tout le temps pour en arriver à ses fins », a-t-il laissé tomber.

« Ça cadre très bien avec la façon de faire de ce gouvernement conservateur », a ajouté M. Saganash, qui représente la circonscription nordique d’Abitibi — Baie-James — Nunavik — Eeyou.

L’élu sortait tout juste de la Chambre des communes, où les députés du Nouveau Parti démocratique (NPD) ont bombardé les conservateurs de questions sur ce dossier.

La ministre Aglukkaq n’était pas présente à la période des questions, étant en déplacement dans l’Ouest du pays.


Fausses allégations, dit le PC
 

Deux députés conservateurs se sont relayés pour se porter à sa défense.

Son secrétaire parlementaire Colin Carrie a déclaré que les allégations formulées par le maire suppléant étaient complètement fausses et que Mme Aglukkaq avait été « troublée » d’apprendre que certains de ses commettants étaient contraints de se nourrir à même un dépotoir.

Le député Erin O’Toole a ensuite pris le relais et reproché au NPD d’avoir recours à des « attaques personnelles non fondées et erronées » plutôt que de reconnaître les mérites d’un programme visant à pallier la cherté des aliments santé dans les communautés septentrionales isolées.

Dans son rapport automnal déposé mardi, le vérificateur général a brossé un portrait peu flatteur du programme Nutrition Nord Canada, qui vise à améliorer l’accessibilité d’aliments sains à prix abordable dans les collectivités nordiques isolées.

Michael Ferguson a souligné qu’en plus de n’avoir pas établi l’admissibilité des communautés en fonction de leurs besoins, le ministère des Affaires autochtones n’a pas vérifié si les détaillants transféraient l’intégralité des subventions gouvernementales aux consommateurs.

Avec Le Devoir

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