Moins de 10 % des chômeurs font appel d’un refus
Moins de 10 % des chômeurs qui contestent le refus de leur demande de prestations par la Commission de l’assurance-emploi du Canada se rendent devant le Tribunal de la sécurité sociale (TSS), indiquent des chiffres obtenus par Le Devoir. Ceux-ci permettent de dresser un premier bilan du TSS, 18 mois après sa création.
Différentes statistiques soumises par le ministère de l’Emploi et du Développement social et le TSS montrent ainsi la faible utilisation du nouveau système d’appel. De manière générale, il apparaît que les dossiers refusés ne sont pas portés au-delà de la toute première étape de contestation, celle de la « révision obligatoire ».
Entre le 1er avril 2013 (date de début des activités du TSS) et le 30 septembre 2014, le TSS a rendu 2600 décisions pour l’assurance-emploi, alors que 2300 dossiers demeuraient en attente de traitement.
Durant la même période, la Commission de l’assurance-emploi (CAEC) a rendu en amont près de 65 000 décisions de révision administrative. À cette étape, la commission revoit le dossier qu’elle vient de refuser. Un total de 22 700 décisions ont ainsi été infirmées en faveur des demandeurs — soit 35 %.
Certains y voient la preuve que les décisions initiales sont souvent trop sévères : la CAEC fait plutôt valoir que les chômeurs peuvent fournir de nouveaux documents (même s’ils n’ont pas accès à leur dossier) à l’étape de la révision, ce qui modifie la donne.
Abandon
Mais qu’ont fait les 42 000 demandeurs dont la révision a confirmé le refus de la demande en 2013 et 2014 ? Pour la très grande majorité, ils ont abandonné. Ce qui fait dire au ministère qu’« environ 92 % des demandes de révision administrative sont résolues sans le besoin d’un appel au TSS ».
Ceux qui ont décidé de poursuivre leur contestation devant le TSS ont eu gain de cause dans 24 % des cas, selon les chiffres du tribunal. Le TSS tient compte des réponses positives devant la division générale tout autant que devant la division d’appel(720 décisions liées à l’assurance-emploi à cette étape).
Impossible toutefois de savoir combien de temps les chômeurs attendent avant d’avoir une décision finale. Le TSS n’est pas capable de calculer le délai moyen observé pour qu’un dossier soit réglé. « Le tribunal en est encore à ses débuts opérationnels et sa priorité est généralement axée vers le traitement des anciens dossiers transférés, dit-on. Il est donc trop tôt pour fournir ce type d’information — par contre, le tribunal commence à vérifier cette information dans le but de développer des normes en ce sens. »
L’absence de délais à respecter dans les règles de fonctionnement du TSS a été dénoncée par plusieurs intervenants des milieux d’aide aux chômeurs.
Sécurité du revenu
Par ailleurs, les données transmises démontrent qu’il y a toujours un important retard au TSS dans le traitement des dossiers liés à la Sécurité du revenu. Le tribunal administratif souligne que plus de 11 000 dossiers sont en attente de traitement. Depuis le 1er avril 2013, seules 1680 décisions ont été rendues par cette division du TSS.
Une bonne partie de ce retard s’explique par le nombre élevé de dossiers transmis par les précédentes instances, se défend le ministère. « Nous savons que les Canadiens s’attendent à un processus d’appel rapide et c’est exactement pourquoi nous avons donné au TSS la capacité d’embaucher 22 nouveaux commissaires à temps partiel pour que le TSS puisse améliorer ses délais de traitement de dossiers », indique la porte-parole du ministre Jason Kenney, Alexandra Fortier.
Cela génère-t-il des plaintes ? Encore là, impossible de savoir. Il y a quelques semaines, le TSS avait répondu au député libéral Rodger Cuzner qu’il ne pouvait dire si des « commentaires négatifs » ou des « plaintes » ont été formulés à son égard depuis le début de ses activités. « Aucun audit, aucune évaluation ni aucun examen du TSS n’ont été préparés ou menés à ce jour », disait-on.