Ottawa: François Hollande parle sécurité et environnement
Il faut à tout prix éviter un fiasco comme celui du sommet de Copenhague lors de la conférence sur le climat de Paris en 2015, a plaidé lundi à Ottawa le président français François Hollande.
«Nous voulons éviter ce qui s’est produit au Danemark (en 2009), où les chefs d’État et de gouvernement ont pensé faire l’accord dans les dernières heures», a fait valoir M. Hollande en conférence de presse, lundi midi, à l’issue de son discours aux Communes.
«On ne fait pas des accords dans les dernières heures. On doit faire l’accord dans les prochains mois», a-t-il poursuivi sous le regard du premier ministre canadien Stephen Harper.
Le président français a dit souhaiter, en tant que futur hôte de la conférence de Paris, que les dirigeants commenceront à préparer le terrain dès la prochaine rencontre du G20. Celle-ci se tiendra à Brisbane, en Australie, les 15 et 16 novembre.
Lors de son discours devant les parlementaires, M. Hollande a tenu à souligner l’importance capitale de la lutte aux changements climatiques.
«L’inaction conduirait à un scénario catastrophique qui serait inacceptable — qui serait sans doute vivable pour nous, mais invivable pour nos enfants et nos petits-enfants», a-t-il lancé pendant son allocution d’une trentaine de minutes.
À l’issue de ce discours aux Communes, le premier ministre Harper a vanté la performance de son gouvernement en matière de changements climatiques et affirmé qu’il souhaitait la conclusion d’une entente globale.
«Notre objectif, depuis notre arrivée en fonction, est d’établir un protocole universel parmi les grands émetteurs avec des cibles qui sont obligatoires», a-t-il signalé.
Il n’en demeure pas moins qu’en 2009, le Canada est rentré de Copenhague avec une réputation de paria climatique — il s’était alors vu décerner le prix «Fossile de l’année» par des organisations non gouvernementales —, a rappelé Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace.
Le président français lui a donc «montré la voie à mots couverts», car le Canada doit «être remis à sa place», a suggéré M. Bonin en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne, lundi après-midi.
Mais en entamant sa visite d’État dans l’Ouest canadien, fief de Stephen Harper — et de l’exploitation des sables bitumineux — , François Hollande a envoyé un bien drôle de signal, a-t-il analysé.
«La symbolique de cette visite a clairement lancé le mauvais message d’entrée de jeu. [...] L’exploitation des sables bitumineux est incompatible avec la lutte aux changements climatiques», a exposé M. Bonin.
Lors de son passage dans l’Ouest, le président français a encouragé les entreprises de l’Hexagone à investir massivement dans cette industrie.
Questionné à ce sujet par une journaliste française, il a assuré ne pas voir de contradiction entre ces appels à l’investissement et ceux à l’action en matière de changements climatiques.
M. Harper a par la suite tenu à ajouter son grain de sel: «On a réduit par 40 % les émissions de gaz à effet de serre dans les sables bitumineux dans les récentes années, et maintenant, la situation est que ces émissions sont plus ou moins les mêmes que d’autres formes de pétrole lourd».
En Alberta, dimanche, M. Hollande avait aussi souhaité que « la France puisse continuer à mettre en valeur les immenses richesses du nord-ouest canadien, que ce soit dans les techniques d’exploitation, de transformation, d’acheminement des hydrocarbures ou que ce soit dans la construction d’infrastructures ».
Un grand écart quand, au même moment, il invitait le Canada à faire plus pour l’environnement le jour où le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) émettait de sérieux doutes sur la capacité de la planète à limiter à moins de 2 degrés la hausse générale des températures et donc à respecter les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
« J’ai trouvé ça franchement maladroit d’être en Alberta le jour où le GIEC rend son rapport », a déclaré lundi l’ex-ministre socialiste Delphine Batho.
« Nous agirons ensemble pour la conférence sur le climat qui aura lieu à Paris à la fin de l’année 2015 », avait lancé M. Hollande à Stephen Harper, qui a décidé fin 2011 de retirer le Canada du protocole de Kyoto.
M. Hollande « ne peut pas être le président de la grande conférence pour lutter contre le dérèglement climatique à Paris en 2015, et puis être le président au pays de l’or noir », a rétorqué l’eurodéputé du parti écologiste EELV, Yannick Jadot.
Liens économiques
En plus de profiter de sa visite au pays pour y aller d'un plaidoyer en faveur d'une lutte plus efficace contre les changements climatiques, le dirigeant de la République française a lancé un appel à un accroissement des liens économiques entre Paris et Ottawa.
Rappelant que la France est le huitième fournisseur du Canada et son neuvième client, M. Hollande a dit espérer mieux. «Ce n'est pas la place que nous voulons occuper», a-t-il insisté lors du discours qu'il a livré à la Chambre des communes.
«L'Union européenne se prépare à lancer un grand programme d'investissement public et privé dans les domaines de la transition énergétique, des infrastructures et des nouvelles technologies», a-t-il rappelé.
«J'invite le Canada à saisir aussi ces opportunités. [...] Car nous avons besoin de croissance», a souligné le président dont le pays est durement éprouvé par la crise économique.
Les événements du 22 octobre
Le président a entamé son discours devant les parlementaires en rappelant les événements tragiques du 22 octobre dernier.
Il a dit regretter que ce «haut lieu de la démocratie» qu'est le parlement canadien ait été «profané» par une «attaque terroriste dont le but ultime est de s'en prendre à l'idée même de liberté».
Le président français a ensuite rappelé que son pays et le Canada combattent ensemble le groupe armé État islamique.
«Aujourd'hui, face à un mouvement terroriste qui tue, qui massacre, qui rase des villages, qui met les femmes et les enfants en situation de servage, qui les noie dans les puits est-ce que nous pourrions rester sans réaction, indifférents, en pensant que ça ne nous concerne pas? non», a lancé M. Hollande.
À la suite de ces propos, les députés conservateurs se sont levés d'un bond, applaudissant énergiquement le président. Leurs collègues de l'opposition néodémocrate et libérale sont pour leur part demeurés assis sur leurs banquettes.
Visite rare
C’est la première fois en 27 ans qu’un président français s’adresse au parlement. La dernière fois, c’était à l’occasion d’une visite d’État de François Mitterrand, en 1987.
Avant de se rendre au parlement, le président français s’est arrêté au Monument commémoratif de guerre du Canada afin d’y déposer une gerbe de fleurs.
Alors que La Marseillaise résonnait dans les rues d’Ottawa, M. Hollande a rendu hommage aux militaires canadiens tombés au combat et plus particulièrement au caporal Nathan Cirillo, abattu alors qu’il montait la garde à ce monument, le 22 octobre.
Le passage du dirigeant français au monument commémoratif était prévu depuis longtemps, sa visite s'inscrivant dans le cadre des événements de commémoration du débarquement de Normandie.
L'éducation
Tôt en début de journée, le président Hollande a pris part à une séance de travail autour du gouverneur général David Johnston, représentant de la reine Elizabeth, sur l’éducation et la recherche. Une séance en présence de la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, de présidents d’université et de chercheurs.
L’éducation devait également être un volet majeur de l’étape au Québec en raison de la volonté du gouvernement provincial de tripler les droits d’inscription des 12 000 étudiants français dans les universités de la province francophone.
Engagé dans un budget de rigueur, le gouvernement libéral du Québec veut mettre fin à un accord datant de 1978 permettant aux étudiants français de payer les mêmes droits que les québécois. Un groupe de travail a été mis en place entre la France et le Québec à la fin de l’été sur ce dossier qui soulève la colère des étudiants français.