Le nouveau PM albertain tend l’oreille aux revendications autochtones

À peine est-il élu à la tête de l’Alberta que le premier ministre Jim Prentice reconnaît que l’actuel tracé du pipeline Northern Gateway n’est peut-être pas optimal et que l’appui des autochtones, essentiel à son avis, sera « plutôt difficile » à obtenir sans changement. Les différents opposants au projet applaudissent à ce changement de ton.
Le Northern Gateway, auquel Ottawa a donné son feu vert en juin dernier, doit transporter du pétrole bitumineux brut vers la côte ouest, jusqu’à la petite ville de Kitimat, où il sera transbordé dans des bateaux-citernes pour exportation. Les communautés autochtones traversées par le pipeline, et en particulier celle des Haisla située près de Kitimat, s’opposent au projet. Ils craignent qu’un déversement ne détruise l’environnement, vierge en ces endroits et fragile, dont leur mode de vie traditionnel est grandement tributaire. Dans une entrevue accordée au Globe and Mail, le nouveau premier ministre albertain estime que ces préoccupations doivent être prises en compte.
Légitimes
Selon Jim Prentice, ce « sont de bons arguments, et nous n’avons pas, collectivement, réussi à bien leur répondre, particulièrement aux communautés autochtones côtières. Les gens disent que ce n’est qu’une question d’argent. Ce n’est pas qu’une question d’argent. Il s’agit de s’assurer que la vie de ceux qui ont vécu depuis des temps immémoriaux sur la côte ouest ne sera pas changée irrémédiablement par un quelconque désastre. » « Mon impression, ajoute M. Prentice, est qu’il existe une façon de d’abord répondre aux enjeux environnementaux que les premières nations ont mis en lumière. »
M. Prentice reconnaît qu’il existe de « multiples possibilités » quant au point d’arrivée de ce pipeline. « Pas un nombre illimité, mais il existe au moins quatre emplacements possibles pour un terminal sur la côte ouest et chacun comporte un risque environnemental différent. […] Tout ce que j’ai entendu des Haisla qui habitent là, c’est qu’ils sont contre l’implantation d’un terminal à Kitimat. »
Selon Ellis Ross, le chef de la nation haisla contacté par Le Devoir, ce commentaire de M. Prentice « peut définitivement aider »,bien qu’il estime qu’il revient à Ottawa et non Edmonton de répondre aux préoccupations autochtones. L’avocat de la communauté, qui pilote la demande de révision judiciaire pour faire invalider l’approbation d’Ottawa, voit malgré tout beaucoup de positif dans cette sortie publique.
« M. Prentice est avocat, il a été ministre des Affaires indiennes à Ottawa. Il connaît ces enjeux. Il sait ce que ça signifie d’avoir des titres non éteints, explique Allan Donovan. Il doit être bien au fait des causes judiciaires qui existent en la matière, et il sait qu’il y aurait quantité de problèmes qui découleraient de la réalisation de ce projet. » Selon Me Donovan, « le premier ministre est sur la bonne voie. Il reconnaît que le tracé proposé est un mauvais choix et qu’avec un tracé alternatif qui éviterait Kitimat, le projet aurait plus de chances d’être endossé. »
Le chef régional des premières nations d’Alberta, Cameron Alexis, estime cependant que M. Prentice devrait d’abord se préoccuper de la grogne autochtone dans sa propre province. « Il n’a pas parlé aux 47 chefs », dit-il. Ces derniers réclament un partage des recettes découlant du pipeline qui traverse leurs terres.
Le bureau de la première ministre de Colombie-Britannique, qui fixe toujours cinq conditions pour accepter le projet, n’a pas rappelé Le Devoir mardi. Le ministère de l’Environnement s’est contenté d’écrire que ces conditions devraient être remplies quel que soit le tracé retenu.
Le promoteur de Northern Gateway, Enbridge, a rappelé mardi que son autorisation vaut seulement pour le tracé prévu et qu’aucune autre demande n’a été logée.