Les congés de maladie ne plombent pas le budget d’Ottawa

Le président du Conseil du Trésor à Ottawa, Tony Clement, devra revoir son argumentaire. Lui qui soutient que le nombre de congés de maladie accordés aux fonctionnaires fédéraux doit être réduit pour faire économiser les contribuables est contredit par les chiffres. Le Directeur parlementaire du budget conclut que ces congés occasionnels ne coûtent pour ainsi dire rien au Trésor public.
Le directeur parlementaire du budget (DPB), Jean-Denis Fréchette, a publié un rapport mercredi sur « l’importance relative financière des congés de maladie dans 20 ministères de l’administration centrale ». La conclusion est on ne peut plus claire. « Comme la plupart des ministères ne font pas appel à un remplaçant lorsqu’un employé prend un congé de maladie, il n’y a pas de coût supplémentaire. »
Pour les quelques ministères qui doivent remplacer les absents pour des raisons opérationnelles évidentes, les coûts sont non significatifs. Aux Services correctionnels, qui remplacent par exemple les gardiens de prison malades, on évaluait ce coût à 7,2 millions de dollars en 2011-2012 (sur une masse salariale totale de 1,2 milliard). À la Garde côtière, où à des fins de calcul on présume que tout le personnel navigant malade est remplacé, le coût est évalué à 8,3 millions (sur une masse salariale de 133 millions). Selon le DPB, le remplacement y est probablement moitié moins fréquent. À la lumière de la petitesse des montants impliqués, le DPB n’a pas jugé bon étendre l’analyse à l’ensemble des ministères moins susceptibles de remplacer leurs malades.
C’est pour cette raison que M. Fréchette en arrive à la conclusion que si le ministre Tony Clement réduit le nombre de congés maladie auxquels ont droit les fonctionnaires fédéraux, il n’épargnera pas vraiment d’argent. « On ne sauve pas d’argent puisque ce n’est pas un coût. »
Les fonctionnaires fédéraux ont droit à 15 jours de maladie par année. Ces jours peuvent être accumulés d’une année à l’autre, mais ne peuvent être monnayés. Cette accumulation tient lieu d’assurance maladie de courte durée. Si un fonctionnaire est malade pendant l’année plus de 15 jours (pour cause de cancer ou de complications de grossesse, par exemple), il devra puiser dans cette banque pour tenir jusqu’à la 14e semaine, moment où l’assurance-maladie de longue durée s’enclenchera. Les fonctionnaires qui n’ont pas assez de congés accumulés se retrouvent sans salaire. C’est à eux que pense le ministre Tony Clement lorsqu’il parle d’offrir « un accès égal au régime d’invalidité ».
En moyenne, selon un précédent rapport du DPB, les fonctionnaires fédéraux utilisent 11,5 jours de maladie par année, ce qui représente une masse salariale de 871 millions. Encore là, il ne s’agit pas d’une dépense supplémentaire pour Ottawa, mais plutôt le salaire des malades que l’employeur aurait quand même versé s’ils étaient entrés au boulot.
Tony Clement persiste
Ottawa et les 17 syndicats de ses fonctionnaires bataillent ferme à propos des congés de maladie. La dernière offre du gouvernement conservateur propose de ramener leur nombre à cinq par année. En cas de maladie prolongée, un fonctionnaire devrait épuiser ses cinq jours, puis attendre sept jours sans salaire. Après quoi, il se qualifierait à un congé de 25 jours rémunérés à 100 %, puis de 105 jours à 70 %. Au-delà de cette période, l’assurance invalidité de longue durée s’enclencherait.
Le bureau de M. Clement a indiqué mercredi qu’il maintenait son désir de réduire ces congés, quoi qu’en dise le DPB, car l’absentéisme coûte cher en retards et en épuisement. Le rapport, écrit-on par courriel, « n’aborde pas la perte de productivité et le moral des employés. […] Cela signifie que beaucoup de postes ne sont pas pourvus pendant un congé dû à une maladie. Mes gestionnaires m’ont informé que des coéquipiers se retrouvent alors avec des charges de travail supplémentaires, ou que le travail n’est pas terminé en temps opportun ».
L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, qui représente 55 000 fonctionnaires, écrit dans un communiqué de presse que le rapport de M. Fréchette prouve que « l’histoire que raconte ce gouvernement au sujet des congés de maladie des fonctionnaires fédéraux est aussi longue que le nez de Pinocchio ».
L’Alliance de la fonction publique du Canada accuse elle aussi Tony Clement de ne pas être honnête. « Ou bien il a intentionnellement menti à la population, ou bien ses chiffres sont carrément erronés, ce qui est très inquiétant de la part du ministre responsable du Conseil du Trésor », indique par communiqué sa présidente, Robyn Benson.
Tony Clement soutient que les congés de maladie accumulés représentent, d’un point de vue comptable, un passif de 5,2 milliards. Le DPB parle plutôt de 1,4 milliard considérant l’historique d’utilisation réelle de ces congés. Dans l’hypothèse que les conservateurs modifient le programme et effacent, ce faisant, tous les congés accumulés par les fonctionnaires, cela réduirait d’un coup le déficit de 1,4 milliard cette année-là.
Mes gestionnaires m’ont informé que des coéquipiers se retrouvent alors avec des charges de travail supplémentaires