Jim Flaherty s’éteint

Le premier ministre Stephen Harper, accompagné de sa femme Laureen, a prononcé quelques mots à la mémoire de son ami et ancien ministre des Finances, Jim Flaherty, décédé subitement jeudi.
Photo: La Presse canadienne (photo) Sean Kilpatrick Le premier ministre Stephen Harper, accompagné de sa femme Laureen, a prononcé quelques mots à la mémoire de son ami et ancien ministre des Finances, Jim Flaherty, décédé subitement jeudi.

Il avait tiré sa révérence pour se « concentrer sur la vie après la politique » et investir le secteur privé. Finalement, la retraite de Jim Flaherty n’aura été que virtuelle. L’ancien ministre conservateur des Finances est décédé jeudi, à peine trois semaines après avoir renoncé à son siège ministériel et avant même d’avoir quitté celui qui lui était réservé à la Chambre des communes. Il avait 64 ans.

 

Selon sa famille, M. Flaherty est mort « paisiblement » à Ottawa. « Nous sommes reconnaissants du fait qu’il a été si bien soutenu par les Canadiens d’un océan à l’autre et par ses collègues internationaux tout au cours de sa vie publique. » Selon CBC, M. Flaherty est mort d’une crise cardiaque jeudi midi. Il laisse dans le deuil son épouse Christine Elliott, elle-même députée conservatrice à l’Assemblée législative ontarienne, ainsi que leurs triplés John, Galen et Quinn.

 

Un peu après 14 h, la rumeur du décès de celui qui a dirigé huit ans les Finances pour Stephen Harper s’est répandue comme une traînée de poudre sur la colline parlementaire. Les députés de l’opposition sont allés aux nouvelles auprès de ceux du gouvernement. Rapidement, le président de la Chambre des communes a ajourné les travaux.

 

L’émotion était palpable. M. Flaherty est le 318e député à mourir en fonction à Ottawa depuis 1867, le cinquième depuis l’an 2000 (après le chef du NPD Jack Layton, Benoît Sauvageau, Chuck Cadman et Lawrence O’Brien). Certains observateurs avaient l’impression de revivre la tension fébrile de l’automne 1994, lorsque Lucien Bouchard était suspendu entre la vie et la mort à cause de la bactérie « mangeuse de chair ».

 

Les élus se sont succédé au micro jeudi pour partager leur peine. Les parlementaires conservateurs, eux, ont plutôt été invités à converger dans la salle où ils se réunissent en caucus pour entendre une déclaration de leur chef. La cérémonie conjointe de M. Harper avec le président péruvien a été annulée. Pendant les longues minutes qui ont précédé l’arrivée de M. Harper et de son épouse, l’ambiance était sobre, le silence entrecoupé de reniflements, les ministres essuyant leurs larmes et se consolant l’un l’autre.

 

« Chers amis, aujourd’hui est une journée très triste pour moi, pour notre gouvernement et pour tout notre pays », a déclaré le premier ministre, dont les yeux étaient rougis. À ses côtés, Laureen pleurait. « Jim manquera cruellement non seulement à ses multiples amis des deux côtés de la Chambre des communes […], mais aussi aux milliers de Canadiens auxquels il s’est consacré et qu’il a aidés au cours de sa longue et fructueuse carrière publique. »

 

Après sa courte déclaration, M. Harper a rejoint son caucus et a offert une première accolade — rigide — à sa ministre Kellie Leitch, qui pleurait à chaudes larmes. Mme Leitch a fait équipe avec M. Flaherty sur la scène provinciale pendant les campagnes électorales. Elle a parlé de lui comme de son « mentor ». M. Flaherty avait siégé à Queen’s Park de 1995 à 2005 avant de passer à la scène fédérale.

 

Aimé de tous, malgré ses politiques

 

M. Flaherty avait la réputation d’être un homme affable, doté d’un bon sens de l’humour et peu dogmatique. « Même quand il vous assenait un coup droit ou un uppercut, il avait des étincelles dans les yeux, s’est rappelée la chef du Parti vert, Elizabeth May. Jim Flaherty avait un bon sens de l’humour, il était chaleureux. Je n’étais pas d’accord avec ses politiques, mais ça n’empêche pas que j’avais beaucoup d’affection pour lui. »

 

Le député John McCallum s’est souvenu que M. Flaherty l’appelait « une espèce en péril » parce qu’il était le seul élu libéral à avoir survécu dans la banlieue de Toronto. « C’est le genre de plaisanteries que nous faisions. Nous nous entendions très bien même si nous étions dans des camps opposés. »

 

M. Flaherty était atteint d’une rare maladie de peau qui l’obligeait à prendre d’importantes doses de médicaments. Depuis un an, tout le monde avait remarqué les signes, autant physiques que comportementaux, de la détérioration de son état. Le ministre avait très peu défendu son budget 2013 à la Chambre des communes et manquait souvent d’enthousiasme lors de ses apparitions publiques. Ironiquement, lorsqu’il a annoncé sa démission le 18 mars dernier, il avait déclaré que « la décision de quitter la politique n’est liée d’aucune manière à ma santé ».

 

Sera-t-il resté trop longtemps ? Plusieurs de ses collègues voyaient dans cet engagement politique jusqu’au bout un signe de sa dévotion à la chose publique. « Il pensait à tout le monde d’abord, au pays et de toute évidence, il n’a pas assez pensé à lui-même », a lancé le député conservateur Gary Goodyear. Le chef du NPD, Thomas Mulcair, a offert ses « plus sincères condoléances » d’une voix éraillée par l’émotion, et rappelé que « c’est un métier très exigeant ».

 

À Toronto aussi, les coeurs étaient en berne. C’est en retenant ses sanglots et « avec le coeur lourd » que le controversé maire Rob Ford a marqué le départ de l’« ami ».« Je ne pourrai jamais le remercier assez pour son amitié et sa loyauté à travers les ans. » Quand les révélations à propos de la consommation de drogue du maire ont fait les manchettes, M. Flaherty avait été un des rares à se porter à sa défense, versant même quelques larmes. L’Assemblée législative ontarienne a aussi ajourné ses travaux.


Avec Marie Vastel

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