Apprendre le jeu électoral

Hamid Karzaï n’en a plus pour longtemps à la tête de l’Afghanistan, ayant achevé les deux mandats de cinq ans qu’un président a le droit d’effectuer.
Photo: Agence France-Presse (photo) Ishara S. Kodikara Hamid Karzaï n’en a plus pour longtemps à la tête de l’Afghanistan, ayant achevé les deux mandats de cinq ans qu’un président a le droit d’effectuer.

Ottawa — Il est devenu pour l’Occident la figure emblématique de l’Afghanistan. Hamid Karzaï, pourtant, n’en a plus pour longtemps comme pilote de son pays, ayant achevé les deux mandats de cinq ans qu’un président a le droit d’effectuer. Le 5 avril prochain, l’Afghanistan se donnera son second président depuis la chute des talibans dans une course qui place en tête Abdullah Abdullah et Ashraf Ghani Ahmadzai. Pour Ahmad Nader Nadery, la campagne sans éclat qui se joue est la preuve de la maturation citoyenne qui s’est opérée dans son pays.

 

Ahmad Nader Nadery a fondé et dirige le FEFA, le Free and Fair Election Forum of Afghanistan, un organisme indépendant qui voit à la conduite transparente d’élections par l’entremise de la participation citoyenne. « Ce n’est pas une campagne électorale très excitante, racontait-il au Devoir à la mi-février. Le constat est mitigé. Par rapport à la précédente campagne présidentielle, celle-ci n’a pas suscité le même niveau d’enthousiasme et d’énergie. Les gens savent qu’il y a moins de candidats : onze plutôt qu’une quarantaine la dernière fois. » Mais il y a au moins deux points positifs majeurs, à son avis. « Les médias jouent un rôle plus actif. Il s’est déjà organisé quatre débats des candidats jusqu’à présent. On n’avait pas vu cela à la dernière campagne. » Et surtout, le discours a changé.

 

« Les candidats parlent de leur programme et des plans d’avenir qu’ils contiennent. […] Dans le passé, les campagnes ne portaient pas tant sur les programmes que sur les personnalités. […] Nous sommes passés d’une politique axée sur la personnalité à une politique axée sur les politiques. »

 

Tim Goddard en arrive à la même conclusion. Ce travailleur humanitaire spécialisé en éducation a oeuvré au Kosovo, au Liban, au Kenya, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et même… dans le Grand Nord canadien. Il est le père de la première femme soldat canadienne à être morte en Afghanistan, Nichola Goddard. Il ose se promener librement dans Kaboul.

 

« Certains candidats à l’élection sont plus pro-développement que d’autres, mais la conversation politique est différente de celle tenue lors de la dernière élection. La dernière fois, il y avait des candidats fondamentalistes qui poussaient pour le retour aux valeurs islamiques. On n’entend pas cela cette fois-ci. Certains parlent de la loi et de l’ordre, d’autres de la construction d’infrastructures, d’autres encore d’investissements dans la jeunesse. Il s’agit de nuances sur l’approche en développement et non un débat sur des questions fondamentalistes religieuses. C’est positif. »

 

Pour Ahmad Nader Nadery, « il n’y a aucun doute que le pays a fait des progrès au cours des dix dernières années. » Pour lui, ce qui est le plus révélateur, « c’est de voir la quantité de ressources humaines désormais disponibles. C’est sans précédent dans l’histoire récente de notre pays. Les gens prennent part à l’amélioration de leur propre vie ». Les bénévoles qui veulent s’impliquer dans le processus électoral sont nombreux et constituent à son avis un baromètre de la vitalité citoyenne. Il souligne que son organisation n’a pas été créée par l’Occident, mais par des Afghans eux-mêmes, qui ont par la suite reçu l’aide occidentale. Nuance importante, dit-il.

 

Il reconnaît que le départ des troupes internationales sera l’occasion pour les talibans — et certaines forces conservatrices présentes au sein du gouvernement — de tester la robustesse des autorités locales. « Le retrait des forces étrangères mettra potentiellement en péril plusieurs de ces gains, mais je suis certain que certains de ces gains civiques se sont à ce point institutionnalisés qu’il ne sera pas aisé pour ces forces, quelles qu’elles soient, de les réduire et de nous faire reculer. »

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