Les conservateurs ont dans leur mire les réserves des logements sociaux

La révision des avantages fiscaux aux organismes sans but lucratif (OSBL) annoncée mardi par le gouvernement Harper n’annonce rien de bon aux sociétés d’habitation, qui y voient une tentative du gouvernement fédéral de mettre la main sur les réserves et revenus d’organismes offrant des logements abordables aux clientèles à faible revenu.
Le budget Flaherty, qui a ouvert la voie à « un ménage fiscal » dans le milieu non lucratif, fait craindre le pire aux 1000 sociétés d’habitation du Québec, comportant quelque 50 000 logements habités à 50 % par des personnes âgées et par des immigrants, des familles à faible revenu et d’autres clientèles vulnérables. Pis encore, l’examen fiscal envisagé par le ministre des Finances a des odeurs de déjà-vu.
Non aux activités rentables
En effet, le gouvernement Harper a déjà tenté en 2008 et en 2011 de retirer l’exemption d’impôts consentie à des sociétés d’habitation ontariennes, sous prétexte que celles-ci faisaient des profits indus en plaçant leurs réserves dans des fonds de rendement plutôt que dans des fonds d’obligation, ou en louant certains de leurs locaux, ou leurs toits, pour y accueillir des antennes dédiées au réseau de téléphonie cellulaire. Autant de revenus contradictoires avec la mission d’organismes s’affichant « sans but lucratif », estimait alors l’Agence du revenu.
Devant le tollé provoqué par ces tentatives de soutirer des sommes aux sociétés d’habitation, Ottawa avait reculé. Mais le nouveau budget Flaherty prouve que le gouvernement a de nouveau dans sa mire les réserves de ces sociétés d’habitation.
Selon Stéphane Corriveau, directeur général du Réseau québécois des OSBL d’habitation, les mesures prises par ces organismes pour générer des revenus le sont uniquement pour pouvoir continuer à offrir des logements à prix modique.
« On est déstabilisés et scandalisés de voir que le gouvernement fédéral s’interroge sur ce qu’on fait de notre argent. On nous fait pendre au bout du nez la perspective de devoir payer des taxes. Si la majorité des OSBL d’habitation ont des réserves, c’est que cela est nécessaire et même prévu par la loi pour faire face aux dépenses éventuelles, liées à la rénovation ou au non-paiement de loyers », défend M. Corriveau.
Bref, le fédéral semble vouloir taxer la prévoyance des OSBL qui accumulent des milliers de dollars pour parer les imprévus.
Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est aussi atterré par les mesures préconisées par le budget Flaherty, qui viennent s’ajouter au retrait fédéral déjà en cours dans le financement du logement social. Au cours de 2014, 14 000 logements sociaux seront touchés par le retrait de subventions fédérales, et ce nombre ira croissant après le désinvestissement annoncé d’ici 2030.
« Si on perd les subventions et qu’en plus Ottawa se décide à éliminer l’exemption d’impôt aux OSBL, le coût des logements augmentera et ces derniers seront de moins en moins accessibles aux ménages à faible revenu », soutient François Saillant, porte-parole du FRAPRU.
Selon ce dernier, la perte des subventions fédérales pourrait entraîner des hausses de 200 à 300 $ par mois pour certains ménages à faible revenu.
Hier, le maire de Montréal, Denis Coderre, et l’Union des municipalités du Québec ont aussi déploré de concert l’absence de mesures annoncées par Ottawa pour soutenir le développement de logements sociaux en milieu urbain.