Un militaire de carrière «abandonné» par l’armée

Québec — Atteint du trouble de stress post-traumatique (TSPT), le caporal-chef Mario Desfossés affirme que l’armée l’a « abandonné » quand il avait besoin d’aide ces dernières années. Il reproche à la Défense nationale de ne pas prendre les bons moyens pour contrer la vague de suicides chez les ex-combattants.
« Je suis tanné de me taire et je pense que ça commence à être le temps de parler », a écrit le militaire dans un premier courriel au Devoir. À la suite du décès du caporal-chef Sylvain Lelièvre à Valcartier, la Défense avait réagi en disant qu’elle faisait tout le nécessaire pour les soldats en détresse.
Des propos inacceptables pour Mario Desfossés. « Les déclarations sont vraies en surface, mais dans les faits, c’est autre chose », a résumé l’homme de 43 ans. « Quand je suis allé chercher de l’aide, on m’a dit : “ Comment voulez-vous qu’on vous aide ? Vous n’avez rien. […] ” Pendant presque deux ans, on me demandait toujours “ voulez-vous vous suicider ? ” Je répondais “ non ” et ils disaient “ OK, vous pouvez retourner chez vous ”. »
Quatre années d’attente
Il raconte que son médecin a mis des années avant de reconnaître qu’il avait le TSPT. Il a fini par en convenir l’automne dernier, soit quatre ans après son retour d’une deuxième mission militaire en Afghanistan.
Spécialisé dans les explosifs, Mario Desfossés a participé à des missions en Bosnie en Allemagne, et même à la crise d’Oka en 1990. Il a pratiquement passé toute sa vie adulte dans l’armée, près de 25 ans de service.
Ce militaire de carrière en a vu des vertes et des pas mûres, mais au retour de 2009 ça n’allait plus. « Je m’isolais, j’étais agressif. La nuit, je me réveillais trempé de la tête aux pieds. Tous les symptômes du post-trauma étaient là », raconte Mario Desfossés.
« Je me suis inquiété et je suis allé consulter. On m’a dit que je n’avais rien, que c’était à cause de la charge de travail. » Le militaire se fait prescrire des antidépresseurs et ses supérieurs décident de l’éloigner des explosifs, mais toujours pas de diagnostic clair.
Dépêché à Borden en Ontario, puis ensuite à Gagetown au Nouveau-Brunswick, il demande de rester près de sa famille.
Devant un refus, il contacte sa députée à Québec, Anne-Marie Day. « M. Desfossés avait demandé qu’on intervienne pour le garder ici. Il a quand même été muté, se souvient-elle. Mme Day croit que l’armée cherchait à le décourager. Ils essaient de toucher le mental de l’individu pour qu’il casse, et dans ce cas-ci pour qu’il démissionne. S’il démissionne, ils ne l’ont plus à leur charge. » La politicienne néodémocrate est formelle : « Il faut qu’ils s’interrogent sur leurs méthodes. »
Mario Desfossés explique qu’il a finalement pu rentrer l’automne dernier et qu’il a obtenu son diagnostic. Il est toujours dans la force régulière, mais le bataillon l’a libéré pour raison de maladie. Il s’attend à ce que bientôt, on « le fasse sortir » en raison de ses problèmes de santé.
Mais avant cela, il veut qu’on le remette sur pied. Pour qu’il puisse se retrouver du travail ailleurs. « J’exige d’être rétabli avant de sortir. Je suis rentré dans l’armée dans un état stable. J’exige d’être libéré dans le même état. »
Thérapie
Ce militaire veut devenir formateur de chiens pour MIRA ou pour venir en aide aux gens qui souffrent du même mal que lui. « Saviez-vous que 80 % des PTSD [TSPT en anglais] dans l’armée américaine qui étaient attachés à un chien ont réduit leur médication ? » Il souligne d’ailleurs que c’est son chien Cannon Ball qui l’a empêché de « devenir fou » quand il était basé loin de sa famille ces dernières années.
L’armée, elle, l’a « abandonné », répète-t-il. Mais ses cauchemars, eux, ne s’en iront jamais vraiment. « Ça va être pour le reste de ma vie. Là, ils me donnent des pilules qui font oublier tes cauchemars. Mais c’est pas parce que tut’en souviens plus que t’en n’as pas fait. »
Invitée à réagir à ce témoignage, la Défense nationale a rétorqué qu’elle ne commentait pas les cas particuliers et que les dossiers médicaux de ses militaires devaient rester confidentiels.