Départ de Daniel Paillé - Duceppe reviendra-t-il au Bloc?

Daniel Paillé saluant son équipe après sa démission comme chef du Bloc québécois, lors d’une conférence de presse empreinte d’émotion, lundi à Montréal.
Photo: - Le Devoir Daniel Paillé saluant son équipe après sa démission comme chef du Bloc québécois, lors d’une conférence de presse empreinte d’émotion, lundi à Montréal.

Ottawa — À peine le départ-choc de Daniel Paillé était-il confirmé que la question a surgi : qui dirigera le Bloc québécois ? Pierre Paquette a déjà dit qu’il n’était pas intéressé, le caucus se range derrière le député André Bellavance et, en coulisse, on reconnaît qu’il ne suffirait que d’un signal de la part de l’ex-chef Gilles Duceppe pour que le parti l’accueille à bras ouverts.

Visiblement ébranlé de devoir partir à peine deux ans après son élection à la tête du parti souverainiste, Daniel Paillé a expliqué lundi midi qu’il n’avait d’autre choix. Lorsque ses médecins lui ont annoncé qu’il souffrait d’épilepsie, ils ont été sans équivoque. «Ça se gère, éventuellement ça se stabilise, mais dans un cadre de vie normal. Les gens étaient unanimes autour de moi pour me dire: “Tout ce que tu fais, c’est pas compatible”. J’aime autant passer la main maintenant, pour le parti», a-t-il affirmé, la voix nouée par l’émotion.

 

Selon différentes sources, M. Paillé, âgé de 63 ans, souffre d’une forme d’épilepsie qui a diverses conséquences : perte de mémoire, perte d’équilibre ou narcolepsie.

 

Avant même que ne débute le point de presse, la question de l’identité du prochain chef bloquiste était sur toutes les lèvres. En entrevue avec Le Devoir hier, Gilles Duceppe n’a pas fermé la porte à un retour à la tête du parti qu’il a quitté après l’amère défaite électorale de 2011. Quand on lui demande s’il est intéressé, il n’écarte pas tout de go cette option. « Ça arrive ce matin [hier], je n’ai pas vraiment pensé à ça […] J’ai fait autre chose depuis ce temps-là […] Je n’ai pas eu de réflexion sur tout ce qui se passe. »

 

Un front pro-Duceppe?

 

En coulisse, on convient que M. Paillé n’était pas le chef le plus charismatique ou éloquent avec les médias. Une source estime que ce départ, aussi tragique soit-il sur le plan personnel, « peut être un mal qui se tourne en bien ». Un nouveau chef élu dans l’année ferait la tournée des médias et ferait parler de lui avant l’élection fédérale de 2015.

 

Spontanément dans les rangs bloquistes, plusieurs évoquent la candidature de l’ancien chef, qui a dirigé le parti de 1997 à 2011. Un « mouvement spontané avec beaucoup de jeunes » prendrait déjà forme afin de ramener Gilles Duceppe à la barre, a rapporté l’ancien député bloquiste Pierre Paquette. « Ce n’était pas quelque chose de pensable tant que M. Paillé était en poste, mais c’est maintenant quelque chose qui est envisageable. »

 

Deux autres sources ont indiqué que M. Duceppe sera assurément courtisé. « Je ne sais pas si lui est intéressé, mais il y a bien des militants qui seraient intéressés à le revoir », confie l’une d’elles. « J’ai l’impression qu’il va trouver qu’il tourne en rond. Et il est en forme et il n’est pas vieux, explique une autre. Son nom va circuler, les gens vont l’appeler, il va avoir de la pression, c’est sûr. » Ne serait-ce pas humiliant de revenir dans l’arène après avoir essuyé une telle défaite ? Peut-être, mais « des fois, tu as envie d’un match de revanche… »

 

M. Paquette estime que le prochain chef devrait être « fort au plan des idées », « respecté des militants » et « susciter assez rapidement l’adhésion de l’ensemble des membres ». Dans cette optique, Gilles Duceppe est « un nom qui est très sérieux ».

 

Candidat pressenti lors de la dernière course, M. Paquette a fermé la porte à double tour, en entrevue. « J’aurais eu l’occasion de me présenter lorsque Gilles Duceppe a quitté et j’avais décidé que ce n’était pas quelque chose qui m’intéressait et ça demeure toujours la même chose. Je n’ai pas l’intention de me présenter. »

 

Du côté du caucus bloquiste, si ce n’est pas Duceppe, on gravite vers André Bellavance. Ce dernier a davantage « le sens de la clip » tandis que Jean-François Fortin est perçu comme « trop pédagogue ».

 

Tous deux présents au point de presse de M. Paillé, aucun n’a voulu s’aventurer sur ce terrain, préférant d’abord saluer leur chef et déplorer son départ. « Je ne veux même pas envisager. Je n’en suis pas là », a répliqué M. Fortin au Devoir. Il s’était porté candidat la dernière fois, pour terminer troisième et dernier.

 

Également candidate en 2011, Maria Mourani — qui a claqué la porte du Bloc dans la foulée des débats sur la charte des valeurs — a refusé d’accorder des entrevues et s’est contentée de souhaiter, par écrit, « un prompt rétablissement » à M. Paillé.

 

Quant aux ex-députés bloquistes devenus chefs de cabinet à Québec, il serait surprenant, dit-on, de les voir démissionner pour revenir dans l’opposition à Ottawa.

 

Un parti en forme

 

Daniel Paillé s’est dit convaincu qu’il laisse un parti en bonne santé et prêt à rebondir. Le Bloc compte 35 000 membres et une organisation dans toutes les régions. « Je laisse un parti qui a de l’élan [...] et qui va sans doute reprendre la place » qu’il occupait aux Communes, a-t-il fait valoir. Mais cet élan, M. Paillé s’en serait voulu de le freiner en restant en selle malgré la maladie, a-t-il dit. Les appuis du Bloc stagnent autour de 20 %.

 

Différentes personnes ont salué le « travail remarquable » qu’il a abattu pendant ses deux années de direction. « Il a tout changé, il a réduit la structure administrative, il a changé le loyer du parti, explique-t-on. Il a établi un plan jusqu’en 2015 et ça tient la route, mois après mois. Chaque chèque était signé par lui. Il faisait vraiment un maudit bon travail. La maison financière est en ordre. »

 

« C’est dommage, car il a fait la première étape, la plus ingrate, celle de réorganiser le parti et ses finances, a renchéri M. Paquette. La prochaine étape, c’était les orientations politiques et il n’aura pas l’occasion de le faire. »

 

La vice-présidente du parti, Annie Lessard — devenue chef par intérim —, et le bureau national se réuniront en janvier pour déterminer la suite des choses. Le Bloc tiendra un congrès au mois de mai, à Rimouski. Trop tôt cependant pour dire si ce sera le moment d’élire le prochain chef, a noté Mme Lessard.

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De bons voeux pour Paillé

Daniel Paillé a reçu les bons voeux de ses collègues fédéraux, le premier ministre Stephen Harper lui souhaitant un « prompt rétablissement » sur Twitter tandis que son lieutenant québécois, Denis Lebel, lui a souhaité « une belle continuité de carrière et une belle continuité de vie ». De passage à Bruxelles, la première ministre québécoise, Pauline Marois, a remercié M. Paillé « pour ce qu’il a fait pour le Bloc québécois, pour le mouvement souverainiste » et elle a déclaré que le parti avait toujours sa place sur la scène politique fédérale. « Il est toujours nécessaire qu’il y ait des gens pour défendre les intérêts du Québec. »

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