Postes Canada - Un défi considérable à Montréal

Postes Canada mettra fin à la livraison du courrier à domicile en milieu urbain d’ici cinq ans.
Photo: La Presse canadienne (photo) Nathan Denette Postes Canada mettra fin à la livraison du courrier à domicile en milieu urbain d’ici cinq ans.

Mais où mettra-t-on toutes ces boîtes postales collectives ? La question est sur toutes les lèvres après que Postes Canada a annoncé, mercredi, la fin de la livraison du courrier à domicile en milieu urbain d’ici cinq ans. Le maire de Montréal, Denis Coderre, a qualifié de « franchement dégueulasse » la décision de la société fédérale, tandis que les urbanistes se font sceptiques.

 

Le maire Coderre a reproché à Postes Canada et au gouvernement Harper de vouloir privatiser le service des postes sans oser l’admettre. Selon lui, la livraison du courrier à domicile en milieu urbain n’est pas un privilège, mais un droit. « Les gens à mobilité réduite et les personnes âgées ont besoin de ce service-là », a-t-il rappelé.

 

Tout en s’interrogeant sur le déploiement de boîtes postales dans les rues de Montréal, Denis Coderre a suggéré que la société fédérale réduise la fréquence de livraison du courrier.

 

Postes Canada doit réévaluer sa décision, soutient le maire qui entend discuter de la question avec Denis Lebel, lieutenant de Stephen Harper pour le Québec. « Honnêtement, ça n’a pas de maudit bon sens. »

 

Espace public limité

 

Le chef de l’opposition à l’Hôtel de Ville, Richard Bergeron a lui aussi dénoncé ce changement. « Où vont-elles être installées, ces boîtes ? Avec la densité d’habitations dans les quartiers anciens de Montréal, ça va prendre beaucoup de boîtes et, forcément, on va les mettre dans l’espace public. L’espace public, c’est ce qui nous reste des trottoirs. […] De quoi va avoir l’air notre ville après ça ? »

 

Les urbanistes se posent la même question. C’est le cas de Philippe Lupien, professeur en design de l’environnement à l’UQAM, architecte et animateur de l’émission Visite libre à Artv. « Ce sera un sacré défi, lance-t-il. J’ai fait un calcul rapide et la densité maximale à Montréal peut être de 12 000 habitants par kilomètre carré. Considérant le nombre de personnes vivant seules, ça représente environ 100 boîtes aux 100 mètres ! Dans certains quartiers comme Rosemont–La Petite-Patrie, où l’espace urbain est très convoité, je vois mal comment on peut loger cela. »

 

Les boîtes communes actuelles de Postes Canada comptent en moyenne 36 casiers. M. Lupien rappelle que cela pourra créer des problèmes de congestion, alors que les gens « vont se stationner en double pour prendre leur courrier ».

 

Le directeur des politiques à Héritage Montréal, Dinu Bumbaru, estime que la solution pourrait passer par l’installation de ces boîtes dans les locaux commerciaux vacants ou alors leur intégration dans des commerces déjà existants. Mais cela pourrait, dans le premier cas, augmenter la distance à parcourir par chaque citoyen, et dans le second, limiter les heures d’accessibilité des boîtes postales.

 

La porte-parole de Postes Canada, Anick Losier, admet que la société de la Couronne n’a pas encore de réponse à ces questions. « À Montréal, sur le Plateau, ce sera un défi, reconnaît-elle. Il n’a pas été réglé, il n’y a pas de solution pour l’instant. » Elle insiste sur le fait qu’aucune solution mur-à-mur ne sera adoptée. Postes Canada se donne cinq ans pour effectuer la transition justement parce qu’on procédera un quartier à la fois, après consultation avec les autorités municipales et locales. Ce ne sera pas le même équipement partout, dit-elle.

 

Michel Dallaire, le designer qui a conçu les Bixi, voit du bon oeil cette transition… si Postes Canada en exploite toutes les possibilités : jumeler les boîtes avec l’éclairage et les bancs pour en faire une aire de repos. « C’est un beau défi », pense-t-il. Il espère qu’un concours de design sera tenu pour le relever. Mme Losier avoue qu’un tel concours n’est pas dans les cartes. Postes Canada teste plutôt, sur une base continue, les installations existantes dans le monde pour en mesurer la sécurité et la durabilité dans le contexte hivernal canadien.

 

Protection des consommateurs

 

Le gouvernement conservateur a dû expliquer comment il pouvait endosser ce virage alors qu’il a promis dans son dernier discours du Trône de protéger les consommateurs. « Les électeurs chez nous ne veulent pas qu’on paie avec leurs impôts les déficits opérationnels de sociétés qui n’ont pas pris les bonnes décisions », a répondu Denis Lebel. Le leader en Chambre, Peter Van Loan, a rappelé que ses commettants à lui n’avaient déjà pas la livraison du courrier à la porte.

 

Postes Canada a annoncé que d’ici cinq ans, la livraison porte-à-porte du courrier serait chose du passé. À l’heure actuelle, il y a cinq lieux de livraison possibles : les boîtes communautaires placées au bout de la rue (3,9 millions de domiciles), le hall d’entrée des immeubles à appartements et condos (3,8 millions), le bureau de poste (1,8 million), la boîte rurale située au bout de l’allée (739 000) et la boîte individuelle (5 millions). Les changements concernent ces derniers.

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