Un troisième projet de loi mammouth - Ottawa s’attaque à des acquis syndicaux

Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, est, dans sa vie privée, père de triplés. Il était donc dans l’ordre normal des choses qu’il accouche d’un troisième projet de loi budgétaire mammouth, semblable aux deux précédents par sa taille, le nombre de lois qu’il modifie et les surprises qu’il contient.
Le projet de loi C-4 vise à mettre en vigueur d’autres éléments du budget de mars dernier qui n’avaient pas été inclus dans le premier projet de loi budgétaire déposé au printemps (plus petit et sans surprise celui-là). Le C-4 compte 308 pages et son sommaire s’étire, en lettres minuscules, sur cinq pages. Ce projet de loi fourre-tout inclut des choses qui n’étaient pas dans le budget, notamment les clauses interprétatives sur les nominations à la Cour suprême (voir autre texte ci-contre). Il contient surtout une panoplie de mesures qui modifient les relations de travail avec les syndicats.
Services essentiels
Un des changements majeurs de ce projet de loi touche les services essentiels. Alors que jusqu’à présent, il revenait à l’employeur et au syndicat de déterminer si un poste est essentiel ou non, c’est désormais « l’employeur qui a le droit exclusif de décider que les services, installations ou activités de l’État sont essentiels ». Or, le C-4 établit aussi que, lorsque dans un service donné, 80 % des postes sont jugés essentiels, « l’arbitrage est le mode de règlement des différends entre l’employeur et l’agent négociateur [le syndicat] ». Autant dire que le droit de grève semble retiré à ceux-là.
L’Alliance de la fonction publique n’a pas été en mesure de commenter en profondeur cet énorme projet de loi mardi soir, puisqu’elle était encore en train d’en faire la lecture et d’en analyser les conséquences. Mais par courriel, la présidente Robyn Benson a déclaré que « ce projet de loi s’en prend aux fonctionnaires et aux syndicats qui les représentent. Il aura des conséquences désastreuses sur eux. Le gouvernement perturbe l’équilibre des relations de travail et affiche un mépris flagrant pour l’application régulière de la loi, la santé et sécurité des travailleurs, ainsi que leur droit de négocier collectivement ».
Pour sa part, le ministre Flaherty était bien en peine d’expliquer son projet de loi. Il n’a pas été capable d’expliquer aux journalistes réunis en point de presse les changements qu’il apportait dans les relations avec les syndicats. « Je laisserai le ministre du Travail répondre à ces questions. » Le ministre n’a pas été davantage capable de dire si les dispositions concernant les juges à la Cour suprême étaient rétroactives et s’appliquaient au juge Marc Nadon, pas plus qu’il n’a pu justifier leur présence dans un document budgétaire. « C’est la mécanique du gouvernement. »
De manière générale, le ministre ne semblait pas bien se porter. M. Flaherty marchait très lentement, parlait difficilement, sans grande conviction et de manière pas toujours très cohérente. Son entourage a donné l’assurance que tout allait bien. M. Flaherty a admis publiquement en janvier qu’il était atteint d’une maladie grave de la peau l’obligeant à prendre de puissants médicaments. À la Chambre des communes, il a répondu à une seule question d’une toute petite voix et il a reçu une ovation empathique de ses collègues. Le premier ministre ne s’est toutefois pas levé ni n’a regardé dans sa direction comme le faisaient les autres élus.