Manifestation contre l’incarcération des étrangers en situation irrégulière à Laval

Une soixantaine de personnes ont manifesté devant le Centre de détention de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), dimanche après-midi à Laval, pour dénoncer le recours trop fréquent, selon elles, à l’incarcération pour les personnes en situation irrégulière et les demandeurs d’asile.
La détention peut-être traumatisante pour les demandeurs d’asile qui, bien souvent, ont déjà été persécutés dans leurs pays d’origine, estime Emilio Alvarez, qui vient en aide à ceux qui ont été victimes d’homophobie. « C’est une expérience terrible pour une personne qui n’a jamais été en prison dans son pays et qui vient ici pour chercher la liberté, pour chercher beaucoup de compréhension et elle finit en prison », explique-t-il. Il a récemment aidé deux personnes originaires du Kenya, qui avaient été persécutées en raison de leur orientation sexuelle. Les deux hommes ont finalement pu sortir du centre de détention après plusieurs semaines, et l’un d’entre eux a pu obtenir le statut de réfugié.
Avec ses grillages, ses gardiens et ses accès contrôlés, le centre de l’ASFC fonctionne dans les faits comme une prison à sécurité moyenne. La très grande majorité de la centaine de personnes qui s’y trouvent sont détenues, car l’ASFC a des doutes sur leurs documents d’identité ou croit qu’elles risquent de s’évaporer dans la nature, si jamais elles ne réussissent pas à régulariser leur situation.
Bon an, mal an, le nombre de personnes que l’ASFC a placées dans ses centres de détention au Canada a augmenté. Pour l’année 2004-2005, l’ASFC avait placé 7553 personnes en détention. En 2011-2012, 9929 personnes ont été placées dans un des quatre centres de l’ASFC. La détention est d’une durée indéterminée, elle peut être maintenue jusqu’à ce que les autorités aient terminé les vérifications d’admissibilité. La durée moyenne de celle-ci est de 28 jours, selon une étude de l’Université McGill et du CSSS de la Montagne publiée en 2012.
Toutefois, certains peuvent y rester bien plus longtemps, car il est parfois très difficile pour les demandeurs d’asile de prouver leur identité, une fois au Canada, estime Noe Arteaga, du Centre des travailleuses et travailleurs immigrants, à Montréal. Un de ses amis originaires du Salvador est en détention dans le centre depuis six mois, explique-t-il. Ce dernier éprouve des difficultés à réunir les documents servant à prouver son identité, car il aurait été un « témoin protégé », au Salvador et qu’il aurait dû vivre caché pour ne pas être pris pour cible par les « maras », les puissants gangs de rue de ce pays. « Ça fait six mois qu’il est là parce qu’il ne peut pas prouver son identité avec ses papiers; c’est pour ça qu’ils ne le déportent pas », soutient M. Arteaga.
Les lois d’immigration deviennent de plus en plus sévères au Canada et ont tendance à « criminaliser les migrants », affirmeFarah Najah Hussein, de la Coalition un statut pour tous et toutes. L’ASFC indique sur son site que la Croix-Rouge canadienne surveille les conditions de détention dans toutes ses installations. L’agence consulte aussi régulièrement le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés afin d’améliorer ses pratiques.
La manifestation s’est déroulée dans le calme, les manifestants se sont approchés d’un des grillages du centre pour y accrocher des banderoles critiquant la détention des personnes en situation irrégulière, sous l’oeil des agents de l’ASFC et du Service de police de Laval (SPL). Une barrière a été renversée, en fin d’après-midi. Martin Lachance, du SPL, a qualifié l’incident de « mineur ».