Un «feu jaune» pour Stephen Harper

Lobbyiste jusqu’au dernier moment avant de devenir conseillère du premier ministre Harper pour le Québec, Catherine Loubier devra agir avec prudence dans certains dossiers, estiment le Nouveau Parti démocratique et l’éthicien René Villemure. Le bureau du premier ministre affirme de son côté que tout va bien.
Nommée conseillère de Stephen Harper jeudi dernier, Mme Loubier avait, la veille encore, un mandat consigné au registre des lobbyistes du Québec. Jusqu’alors vice-présidente de la firme de communications et d’affaires publiques Hill Knowlton, Mme Loubier représentait la compagnie K2 Geospatial (qui développe des logiciels, notamment pour les municipalités) auprès de la Ville de Gatineau.
L’inscription au registre a été modifiée le 31 juillet pour indiquer que le mandat de représentation s’était terminé le 28 juillet. Entre février 2012 et juillet 2013, Mme Loubier a aussi eu des mandats pour Management Octane (auprès du ministère du Tourisme du Québec), Hôtel Brossard (auprès de l’agglomération de Longueuil) et Pascan Aviation (auprès de la Ville de Montréal).
Mandats terminés
Ancienne employée des ministres Denis Lebel dont elle a été la chef de cabinet adjointe) et Lawrence Cannon (attachée de presse), Catherine Loubier ne pouvait pas faire du lobbyisme sur la scène fédérale - selon les dispositions de la Loi sur la responsabilité, qui impose un délai de cinq ans.
Ses liens avec différentes compagnies et municipalités posent-ils un problème dans l’exercice de ses nouvelles fonctions ? Le NPD estime qu’il est « tout à fait normal qu’elle ait eu à travailler avec plusieurs clients en tant que lobbyiste. Mais maintenant qu’elle est au bureau du premier ministre, [le parti] s’attend à ce qu’elle transfère ses anciens dossiers et qu’elle se concentre uniquement sur son nouveau poste. Cumuler les deux emplois pourrait la placer en position de conflit d’intérêts ».
« Il n’y a pas de problème légal avec sa situation, parce que ses mandats sont terminés, note René Villemure, de l’Institut québécois d’éthique appliquée. Mais son travail de lobbyiste doit allumer un feu jaune pour Stephen Harper, qui devra s’assurer qu’elle ne se place pas en conflit d’intérêts et qu’elle ne traitera pas de dossiers qui touchent ses anciennes activités. »
Invitation à la prudence
Même si les mandats de Catherine Loubier ne concernaient que le palier provincial, René Villemure estime qu’ils pourraient interférer avec son nouvel emploi. « Elle est conseillère pour le Québec, pas pour l’Ontario, rappelle-t-il. « C’est une invitation à la prudence. »
Au bureau du premier ministre, on « ne commente pas les questions touchant le personnel ». Mais on fait valoir en coulisse que Catherine Loubier n’a jamais eu de mandats au fédéral et qu’elle a respecté la Loi sur la responsabilité.
Mme Loubier n’a pas voulu commenter le sujet lundi, non plus que le commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique.
En 2010, la nomination de Nigel Wright comme chef de cabinet du premier ministre avait soulevé des questions semblables. M. Wright était jusqu’alors directeur général d’Onex Corporation, une entreprise présente dans de nombreux domaines d’activité où le fédéral joue un rôle important. Il s’était engagé à mettre en place un « mur de l’éthique » pour éviter tout conflit d’intérêts.