Un néodémocrate passe au Bloc

Ottawa — Mal à l’aise avec la proposition néodémocrate de réforme à la Loi sur la clarté, le syndicaliste saguenéen Claude Patry tourne le dos au NPD pour rejoindre les rangs du Bloc québécois. Malgré cette deuxième défection d’un Québécois depuis la vague orange de 2011, Thomas Mulcair refuse de parler d’un désenchantement de ses députés de la province.
« Comme beaucoup de Québécois, en 2011, j’ai cru que le NPD agirait différemment des libéraux et des conservateurs et qu’ils reconnaîtraient véritablement les aspirations de la nation québécoise. Les récentes prises de position du NPD sur la Loi sur la clarté et le projet [hydroélectrique] de Churchill Falls [financé par Ottawa et appuyé par le NPD] démontrent de façon flagrante que ce parti privilégie les intérêts du Canada au détriment de ceux de la nation québécoise », a laissé tomber le député de Jonquière-Alma, jeudi matin.
Se disant encore aujourd’hui souverainiste, M. Patry a avoué avoir voté Oui aux référendums de 1980 et 1995 et possédé des cartes du Bloc, du Parti québécois et de Québec solidaire. Sous l’égide de Jack Layton, il voulait « laisser une chance », car il croyait « qu’on pouvait changer les choses, faire autrement ».
Un an et demi plus tard, il a déchanté. « Il n’est pas question que je me mette à genoux en tant que Québécois. Il y a des choses qui ne sont pas négociables, et le droit du Québec de choisir comment il va déterminer son avenir en est une », a tranché celui qui avait délogé le ministre conservateur Jean-Pierre Blackburn.
En réponse au Bloc, qui veut abroger la Loi sur la clarté référendaire, le NPD a proposé de concilier le pouvoir d’Ottawa de juger de la « clarté » d’une question référendaire et de la renvoyer en Cour d’appel québécoise si elle ne convient pas, avec la reconnaissance d’une majorité simple - tel que prévu dans la Déclaration de Sherbrooke adoptée en 2006 par le parti.
Le courage de ses convictions
En réaction à la défection de son député, le chef du NPD a rétorqué que M. Patry connaissait pourtant les tenants cette déclaration. Le document défend le seuil de 50 % + 1, s’oppose à un renvoi de la question aux tribunaux et note que « le NPD reconnaît également que ce droit à l’autodétermination implique la capacité de l’Assemblée nationale de rédiger, et des citoyens du Québec de répondre librement, à une question référendaire ».
M. Mulcair somme maintenant son ex-député d’affronter les électeurs de sa circonscription sous ses nouvelles couleurs, car il avait lui-même appuyé un projet de loi du NPD exigeant que le siège d’un transfuge devienne vacant en attendant une élection partielle. « Si M. Patry a le courage de ses convictions, il va démissionner », lui a lancé M. Mulcair, se disant convaincu que le NPD l’emporterait, puisque le Bloc est arrivé troisième dans la circonscription en mai 2011.
Un défi qu’a rejeté M. Patry, qui s’est dit confiant que ses électeurs ne lui en tiennent pas rigueur en 2015, puisqu’il représente un « bastion de nationalistes » qui a élu cinq péquistes au provincial.
Le premier ministre Stephen Harper a tenu à commenter la nouvelle, de passage à Rivière-du-Loup, se disant peu surpris de voir un membre du « Bloc orange » rejoindre les souverainistes. « Il y a une ambiguïté au caucus du NPD au Québec sur l’unité canadienne. »
L’ex-chef par intérim du NPD Nycole Turmel a été membre du Bloc, tandis qu’Alexandre Boulerice était membre de Québec solidaire. M. Mulcair a néanmoins nié que le malaise de M. Patry s’étende à d’autres. « Il n’y a aucune ambiguïté en ce qui concerne qui que ce soit au sein du caucus du Nouveau parti démocratique. »
Doyen des Communes, le bloquiste Louis Plamondon a lui-même quitté le Parti conservateur pour former le Bloc - au lendemain de l’échec de l’Accord du lac Meech - après avoir constaté, comme M. Patry, « que les partis fédéralistes quels qu’ils soient ne peuvent pas bien servir les intérêts du Québec ». Et il croit que d’autres en viendront à la même conclusion. « Ça sent bon pour 2015, ça sent très bon ! »
En janvier 2012, Lise St-Denis (Saint-Maurice -Champlain) a claqué la porte du NPD pour rejoindre les libéraux, contestant certaines positions néodémocrates. En avril, l’Ontarien Bruce Hyer s’est déclaré indépendant, refusant de s’opposer à l’abolition du registre des armes d’épaule comme le lui ordonnait M. Mulcair.