L’aide canadienne à la Palestine est remise en question

Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, ici photographié lors de la période des questions, mardi, à la Chambre des communes, s’était rendu en personne à l’ONU jeudi dernier pour voter contre l’octroi d’un statut officiel à la Palestine.
Photo: La Presse canadienne (photo) Adrian Wyld Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, ici photographié lors de la période des questions, mardi, à la Chambre des communes, s’était rendu en personne à l’ONU jeudi dernier pour voter contre l’octroi d’un statut officiel à la Palestine.

Ottawa – Le Canada a décidé de reconsidérer son aide financière à l’Autorité palestinienne dans la foulée du vote aux Nations unies lui accordant le statut d’État observateur non membre. Le gouvernement jugera les projets lorsqu’ils auront été menés à bien pour décider s’il poursuit l’initiative au-delà de mars 2013.

Après le vote de jeudi auquel il s’opposait farouchement, le Canada avait rappelé ses ambassadeurs onusiens et ceux à Ramallah et en Israël. Mardi, les chefs de mission ont participé à un entretien de 90 minutes avec le ministre des Affaires étrangères, John Baird, et celui de la Coopération internationale, Julian Fantino, pour discuter de la suite des choses.


« Notre contribution de 300 millions de dollars sur cinq ans, sous forme de soutien à la sécurité et d’aide humanitaire, est importante », indique un compte-rendu de cette rencontre fourni par le bureau de M. Baird. « Dans l’ensemble, nous avons l’intention de veiller à ce que ces projets se réalisent. Toutefois, il va de soi que le ministre concerné examinera, comme pour tous les dossiers, l’orientation à suivre une fois que les projets auront été menés à bien. » Cette aide arrive à échéance en mars prochain. Tout est donc possible au-delà de 2013, incluant le non-renouvellement de l’enveloppe. Cet argent sert à financer le système de justice, de santé et d’éducation.


« Nous ne reconnaissons toujours pas le statut d’État de l’AP/OLP aux Nations unies, poursuit ce compte-rendu. Nous collaborerons avec le gouvernement [américain de Barack] Obama en ce qui concerne notre approche aux Nations unies, que ce soit à New York ou à Genève. Nous sommes préoccupés par la suite des choses dans d’autres organes des Nations unies, en particulier la Cour pénale internationale (CPI). » On y critique « le discours provocateur de l’Autorité palestinienne » à l’ONU, qui est « de nature à susciter une réponse d’Israël ».


Silence sur les colonies


Le bureau du ministre Baird a refusé de dire s’il fallait comprendre par là que le Canada approuvait qu’Israël ait annoncé, dès le lendemain du vote, la construction de 3000 logements en zone sensible. C’est qu’après les critiques ostentatoires contre l’Autorité palestinienne et l’ONU, le Canada s’est contenté d’un timide conseil à Israël sur le sujet.


En effet, contrairement à une bonne partie de la communauté internationale, le Canada n’a ni rappelé d’ambassadeur, ni convoqué celui d’Israël, ni même émis un communiqué de presse pour dénoncer ces 3000 logements. Sur demande médiatique, le bureau de M. Baird a tout au plus fait parvenir une courte phrase disant que « les mesures unilatérales ne font pas progresser le processus de paix ».


Destinés à la zone dite « E1 », située entre la partie orientale de Jérusalem et l’importante colonie de peuplement Ma’ale Adoumin, ces logements affecteront la continuité territoriale nécessaire à l’établissement éventuel d’un État palestinien. Le secrétaire général de l’ONU a d’ailleurs déclaré que cette colonie « risque d’être fatale à la solution à deux États ».


Le président du groupe Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient, Thomas Woodley, a déploré ce déséquilibre canadien. « Le mutisme du Canada relativement aux récentes et provocantes annonces d’Israël sur la construction de colonies est, en fait, une preuve de l’absence complète de principes derrière la politique étrangère de Stephen Harper », dit-il. Si le Canada était véritablement opposé aux mesures unilatérales, estime-t-il, alors il aurait critiqué la nouvelle colonie avec la même ardeur qu’il a critiqué le vote onusien.


M. Baird s’était rendu en personne à l’ONU jeudi dernier pour voter contre l’octroi d’un statut officiel à la Palestine. Un vidéomontage affiché sur le site d’information Rabble.ca démontre qu’il a été le seul orateur ce jour-là à ne pas avoir du tout été applaudi quand il a été appelé à la tribune.

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