Recensement - Québec plus que jamais convaincu de la nécessité de réformer la loi 101

Les données du recensement - qui montrent une diminution du poids des francophones au Québec - confortent le gouvernement Marois dans sa volonté de procéder à une réforme de grande envergure de la loi 101, a indiqué mercredi la ministre responsable de la Charte de la langue française, Diane De Courcy. Ailleurs, les réactions étaient partagées.

« C’est une réforme costaude, vraiment costaude », que proposera Québec, a affirmé Mme De Courcy. La première ministre Pauline Marois en donnera les contours et l’échéancier dans son discours inaugural mercredi prochain.


Le gouvernement Marois ira beaucoup plus loin que l’engagement électoral du Parti québécois de soumettre à la Charte les petites entreprises de 11 à 49 employés. « Les moyens choisis devront être modernisés et être de tous ordres : incitatif, administratif, législatif et, dans certains cas, éducatif », a indiqué Diane De Courcy. Ils pourront également viser les politiques en matière d’immigration dont la ministre a la responsabilité. « Je revois tout, je n’ai pas de tabous. » En novembre, elle proposera un seuil d’immigration pour la prochaine année : il pourrait être en deçà du seuil de 50 000 nouveaux arrivants par an fixé par le gouvernement libéral.


La diminution de la proportion des francophones surtout sur l’île de Montréal, ce « vaisseau amiral », selon Mme De Courcy, la préoccupe. Elle s’est dite « déçue » que toutes les mesures mises en oeuvre pour renforcer la place du français, si elles ont permis « de se sortir un peu la tête de l’eau », n’ont pas donné les résultats escomptés.


La langue de travail la préoccupe tout particulièrement et elle déplore le manque de données à ce sujet — le recensement ne posait pas de questions à cet égard. L’exigence du bilinguisme qui s’est généralisée dans le marché du travail est dans la mire du gouvernement. « Il est profondément déconcertant de constater qu’un grand nombre de nouveaux arrivants francophones doivent suivre des cours d’anglais pour espérer trouver du travail. […] Exiger le bilinguisme devient la norme et non pas l’exception », a déploré Diane De Courcy.


Plus tôt dans la journée, le ministre responsable de la métropole et des relations avec la communauté anglophone, Jean-François Lisée, avait signalé que le gouvernement planchait notamment sur un plan d’action pour retenir les familles sur l’île de Montréal. « Montréal majoritairement francophone, c’est un objectif national légitime. C’est la première fois qu’on dit ça ; on y tient et on va y travailler. »

 

Mulcair préoccupé


À Ottawa, les avis étaient partagés. Le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, s’est dit « légèrement encouragé » par les chiffres. « Il y a plus de francophones hors Québec qu’en 2006, plus de gens qui parlent français au Québec… On voit une certaine stabilité par rapport à 2006. Mais ce qui me décourage, ce sont les interprétations basées uniquement sur les pourcentages : on ne peut pas définir la vitalité linguistique du Québec en fonction de son poids par rapport au reste du Canada », a-t-il soutenu.


Le ministre d’État à la Francophonie, Bernard Valcourt, a indiqué que la « situation n’est pas désespérée en termes absolus ». Il a évoqué le nombre de personnes bilingues et de francophones hors Québec qui sont à la hausse.


Mais selon le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, « il faut s’inquiéter de la situation toujours aussi précaire de la langue française au Canada », notamment sur l’île de Montréal. « Il est crucial que les immigrants apprennent d’abord et avant tout le français lorsqu’ils viennent à Montréal. Ce qui n’empêche pas l’ajout d’autres langues », a-t-il dit.


Le porte-parole du parti en matière de langues officielles, Yvon Godin, s’est toutefois réjoui de « certaines données encourageantes », comme le fait que « de plus en plus d’allophones adoptent le français au Québec ».


Le Bloc québécois estime quant à lui que les chiffres « sont éloquents et inquiétants. Le français est en recul au Québec. Dans la région montréalaise, cette situation est encore plus accentuée », a indiqué le chef Daniel Paillé, qui a accusé le gouvernement conservateur d’être « un frein à la protection du français au Québec ».


Selon le Bloc et le mathématicien Charles Castonguay, le recul du français pourrait d’ailleurs être plus marqué que ne le laisse croire le recensement. « Les modifications apportées à la méthodologie ont un impact sur les réponses fournies par les citoyens et empêchent de comparer adéquatement les données d’un recensement à l’autre », estime M. Castonguay. Statistique Canada fait à cet égard une mise en garde dans le document.


Finalement, la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada s’est montrée plutôt satisfaite de l’état des lieux. « Comment se porte le français au Canada ? Certains retiendront qu’au niveau de l’usage du français au Canada, les tendances sont à la baisse. Pour nous, considérant qu’on compte maintenant presque 2,6 millions de personnes qui parlent français à l’extérieur du Québec et que plusieurs de nos communautés montrent une croissance, il serait difficile de ne pas trouver des bonnes nouvelles dans les données qu’on a reçues ce matin », a indiqué la présidente, Marie-France Kenny.

 

Avec Marie Vastel

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