Nouvelle carte électorale - Les régions sont oubliées, déplore l’opposition

La représentation électorale n’est pas qu’un calcul mathématique. Encore faut-il que les élus fédéraux puissent faire leur travail et défendre les différentes voix des quatre coins de leur circonscription, ont rétorqué hier les partis d’opposition, qui s’inquiètent déjà des changements proposés lundi à la carte électorale.


C’est que dans sa première ébauche, la Commission de délimitation des circonscriptions électorales pour le Québec envisage de rayer l’une des quatre circonscriptions de l’est du Québec pour qu’il n’en reste que trois dans l’ensemble de ce territoire qui rassemble la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent. Résultat : le bloquiste Jean-François Fortin perdrait sa circonscription de Haute-Gaspésie -La Mitis -Matane -Matapédia.


Pas surprenant, donc, qu’il défende haut et fort l’importance de ne pas oublier, en réformant la carte électorale pour témoigner des changements démographiques, la voix des communautés rurales et éloignées. « Quand on a un équilibre qui est brisé par le fait de surreprésenter des secteurs urbains - où les enjeux sont relativement les mêmes -, et d’oublier certains enjeux régionaux d’occupation de notre territoire, on a une méconnaissance de la réalité de plusieurs des composantes importantes de notre pays ou de notre province », a-t-il défendu, en entrevue téléphonique. Les trois circonscriptions restantes dans sa région compteront désormais quelque 115 000 électeurs, alors que les circonscriptions montréalaises en représentent en moyenne 95 000, et le territoire couvert par les élus fédéraux y sera de 20 à 40 fois plus grand que celui de leurs collègues montréalais. Un défi quant à la « capacité d’un député à faire son travail », a fait valoir M. Fortin.


Le printemps dernier, les députés néodémocrates de la région - Guy Caron à Rimouski -Neigette -Témiscouata -Les Basques, Philip Toone à Gaspésie -Îles-de-la-Madeleine, et François Lapointe dans Montmagny-L’Islet -Kamouraska -Rivière-du-Loup - avaient fait front commun pour réclamer, avec M. Fortin, que les limites de leurs circonscriptions demeurent inchangées. Car autrement, ce sont les services offerts aux électeurs qui seront affaiblis et la possibilité pour ceux-ci de faire entendre leurs préoccupations auprès de leur député, avaient-ils argué.


Au lendemain du dévoilement des changements envisagés par la Commission, le néodémocrate Robert Aubin a réitéré hier « cette préoccupation [pour le parti] de faire en sorte qu’à Ottawa, le visage des régions ne disparaisse pas ». Mais il est trop tôt pour promettre que cette alliance avec les bloquistes se poursuive quand viendra le moment de revendiquer la survie de la circonscription de M. Fortin. Les néodémocrates en sont encore à l’analyse de la carte électorale proposée, s’est contenté de commenter M. Aubin.


Les inquiétudes de partis d’opposition n’ont cependant pas ému le président de la Commission, le juge Jules Allard, qui estime qu’elles sont les mêmes lors de chaque redécoupage, tous les dix ans. De toute façon, rien n’est fixé et les audiences publiques servent justement à entendre les points de vue, a-t-il souligné. « On y croit [aux changements proposés]. Mais on ne peut pas dire que ça ne peut pas changer. […] On va pouvoir parler. » La parole sera toutefois d’abord offerte aux citoyens, et non aux politiciens qui s’inquiètent de ne pas pouvoir être réélus en vertu des modifications. « Ça, ce serait plutôt mal venu », a tranché le juge Allard.


Nonobstant, Jean-François Fortin n’a pas l’intention de baisser les bras. Et il prévient qu’une « coalition » est en train de naître, formée d’acteurs régionaux et politiques, lesquels déposeront leurs mémoires à la Commission. Le maire de Rimouski et président de l’Union des municipalités du Québec, Éric Forest, pourrait d’ailleurs bien se joindre à cette mobilisation, selon La Presse canadienne. Quant à M. Fortin, il a en outre l’intention de manifester « pour rappeler la voix de la région » lorsque la Commission sera de passage dans sa région en septembre.


L’argument du bloquiste, selon lequel une région aussi vaste que la Gaspésie compte un nombre varié d’enjeux à défendre pour un député fédéral, n’a toutefois rien de nouveau pour le juge Allard, qui a entendu le même discours lorsque trois circonscriptions provinciales ont été abolies dans l’est du Québec. « C’est un argument qu’on est prêt à entendre, s’ils s’appuient sur une réalité solide », a-t-il commenté.

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