Trudeau songe à la chefferie libérale
À peine Bob Rae a-t-il confirmé qu’il ne briguerait pas la chefferie du Parti libéral du Canada que les candidats potentiels manifestent leur intérêt. Certains admettent toutefois que leur décision dépendra de celle de Justin Trudeau, qui, après avoir fermé la porte à double tour, dit maintenant qu’il considère la possibilité de se lancer.
« La porte que j’ai fermée il y a un an exige que je fasse des réflexions et que j’aie des conversations avec ma famille, a dit hier M. Trudeau. Je considère que de servir son pays, c’est une chose importante à laquelle je crois, et c’est pour ça que je suis député. » Justin Trudeau, père de deux enfants de moins de cinq ans, avait annoncé en octobre qu’il ne serait pas candidat pour des raisons familiales. Il admet que les appels du pied entendus dernièrement ont leur effet. « Comme vous le savez très bien, je suis sous énormément de pression : de Canadiens, de journalistes, de libéraux qui veulent que j’y pense de façon sérieuse. »
Plusieurs aspirants
Dans les coulisses, on chuchote que certains aspirants au poste céderont le pas si Justin Trudeau se lance. Ce serait le cas du député néo-brunswickois Dominic Leblanc. Le fils de l’ancien gouverneur général est un ami d’enfance de M. Trudeau. Les deux hommes ne pourraient concevoir de s’affronter et se seraient entendus pour décider ensemble du cours des choses.
Interrogé à ce sujet, M. Leblanc, 44 ans, ne cache pas ses aspirations. « Je suis très tenté, mais l’annonce de M. Rae donne à tout le monde une période prolongée pour y songer et consulter. La crise qui aurait commencé avec une annonce différente de M. Rae, soit le début officiel de la course, a été écartée. Je me déciderai en septembre. »
M. Leblanc était un des trois candidats supputés à la succession de Stéphane Dion, en 2008. Lui et Bob Rae avaient accepté de jeter l’éponge pour ouvrir toute grande la voie à Michael Ignatieff, évitant ainsi une autre course au leadership en plein coeur d’une crise parlementaire causée par la prorogation. Un proche libéral fait toutefois remarquer que, depuis, la conjointe de M. Leblanc a été nommée juge, ce qui l’empêche de participer à tout événement un tant soit peu partisan. La candidature de M. Leblanc remettrait en question la carrière de celle-ci ou alors impliquerait une vie de couple très solitaire.
De leur côté, Denis Coderre, Marc Garneau et Martin Cauchon envisagent aussi une possible candidature. « Je veux savoir si l’appui est vraiment là pour me présenter », explique l’ancien astronaute. « Des fois, on peut se faire des illusions et penser que l’appui est là. »
M. Coderre reconnaît qu’il songe en même temps à la mairie de Montréal. Martin Cauchon, qu’on avait pressenti aux courses à la chefferie en 2006 et 2008, réfléchit encore. Il se donne jusqu’à l’automne pour prendre une décision. « Je suis dans le parti depuis l’âge de 16 ans et c’est un secret de Polichinelle que j’ai une forme d’ambition pour un jour diriger mon parti », explique-t-il au Devoir. Pourquoi cette fois-ci plutôt qu’en 2006, alors que les perspectives du PLC étaient plus encourageantes ? « Je me sens beaucoup plus en forme », dit-il. Il rappelle que sa jeune famille d’alors a grandi.
L’ancienne députée libérale et aspirante chef, Martha Hall Findlay, reconnaît elle aussi que Justin Trudeau est l’élément incontournable de cette course. Quand on lui demande si elle est intéressée par la chefferie, elle répond de but en blanc : « Tout le monde ne parle que de Justin. On dirait presque qu’il n’a qu’à se pencher pour ramasser la couronne », dit-elle au Devoir. Elle ajoute : « Oui, absolument, ça m’intéresse. Est-ce que je suis décidée ? Non. Il y a beaucoup de travail à faire. En 2006, la course avait duré 10 mois. C’était long. C’était long. Ça vaut la peine de prendre l’été [pour y réfléchir]. On va voir ce qui va arriver avec Justin. »
Certains libéraux discréditent sa candidature, car Mme Findlay traîne encore une dette de leadership de 60 000 $ et n’a pas su conserver son siège aux dernières élections. En entrevue, Gerard Kennedy, lui aussi candidat défait à la course en 2006, dit songer à se présenter de nouveau pour répondre au « profond désir de changement » qu’il sent au PLC.
Dans l’intérêt du parti
C’est à la réunion hebdomadaire du caucus que Bob Rae a annoncé sa décision de ne pas briguer la chefferie. Il restera chef intérimaire jusqu’à ce qu’un chef permanent lui succède, en avril 2013, comme il a été décidé hier soir. « J’ai conclu que la meilleure façon de servir mon parti est de ne pas me présenter au leadership, a-t-il expliqué. Ça n’a pas été une décision facile. […] Elle n’est pas arrivée rapidement, comme certains journalistes l’ont remarqué en me regardant patiner, danser et patiner encore. C’est néanmoins une décision avec laquelle je suis confortable. » Il n’a pas voulu dire en quoi sa candidature aurait été moins bonne pour le parti.