Loi mammouth - Un conservateur contre C-38

Bob Mills
Photo: Tom Hanson Canadian Press Bob Mills

C’est au tour d’un ancien collègue conservateur et réformiste de dénoncer certaines mesures environnementales contenues dans l’éléphantesque projet de loi budgétaire fédéral C-38. Bob Mills, qui faisait partie de l’équipe de Stephen Harper jusqu’en 2008, estime que le gouvernement ne devrait pas abolir la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie (TRNEE) et devrait, de manière générale, accorder plus d’importance aux questions écologistes.

« J’ai toujours pensé que la conservation faisait partie du mantra conservateur, mais j’ai peut-être tort », a lancé hier matin Bob Mills lors d’une conférence de presse dénonçant l’abolition de la TRNEE, abolition contenue dans la loi budgétaire. M.Mills s’est fait élire à la Chambre des communes en 1993 comme député réformiste albertain sous Preston Manning. Il a conservé son siège jusqu’en 2008, année où il a annoncé qu’il ne se représenterait plus. Sous Stephen Harper, il a été le critique officiel de son parti en matière d’environnement lorsque dans l’opposition, puis a présidé le Comité parlementaire de l’environnement une fois passé au gouvernement.


M. Mills a répété que, selon lui, environnement et économie allaient de pair et qu’il fallait plutôt s’ingénier à développer des technologies canadiennes vertes pour devenir un leader mondial. « Stephen Harper met d’autres priorités avant l’environnement et je crois que c’est une erreur », déplore-t-il.


M. Mills était un membre de la TRNEE, un organisme qui fournit des conseils indépendants au gouvernement fédéral sur les questions environnementales du jour. Son abolition représente une économie annuelle de 5,2 millions de dollars. Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a laissé entendre que le gouvernement n’avait plus besoin de cet organisme parce qu’il recommandait régulièrement l’imposition d’une taxe sur le carbone dont Ottawa ne veut pas.


« Si vous êtes intelligent, vous vous entourez de gens très intelligents, rétorque Bob Mills. Si vous êtes stupide, vous vous entourez d’une bande de béni-oui-oui. On n’a pas besoin de béni-oui-oui, on a besoin de gens intelligents et à la Table, il y avait beaucoup de gens plutôt intelligents provenant de tous les horizons. » M.Mills ajoute : « Si j’étais au gouvernement, je voudrais le maximum d’avis. Je n’ai pas besoin que quelqu’un me dise à quel point tout ce que je fais est merveilleux. » L’ex-député a quand même dit approuver certains changements apportés aux lois environnementales contenus dans C-38, sans toutefois les nommer. « Certaines évaluations environnementales étaient devenues des cirques. Je crois que certaines choses devaient être rationalisées. Alors je suis d’accord avec plusieurs des choses que fait le gouvernement. »

 

Marathon parlementaire en vue


Le projet de loi mammouth de 425pages contient une refonte complète des lois sur les évaluations environnementales, la protection de l’habitat des poissons et les espèces en péril, reporte à 67ans l’âge d’admissibilité à la Sécurité de la vieillesse, serre la vis aux chômeurs fréquents, élimine certains mécanismes de surveillance des services secrets, etc. L’opposition a dévoilé son jeu hier pour en ralentir l’adoption.


Le NPD a déposé 506 amendements et le Parti libéral, 503. Chacun de ces amendements, qui se recoupent pour la plupart, vise à éliminer un des 753 articles du projet de loi. Ce sont les seuls que ces partis peuvent déposer à cette étape parlementaire. La chef du Parti vert, Elizabeth May, a déposé, elle, environ 200 amendements substantifs. Ce sont donc environ 700 votes qui pourraient avoir lieu, engendrant une séance ininterrompue de vote pouvant durer des jours. Cette séance pourrait commencer lundi, mais plus probablement mardi ou mercredi prochain.


« Le but, c’est d’attirer l’attention des conservateurs pour changer ce projet de loi, explique la critique néodémocrate en matière de finances, Peggy Nash. On va essayer de ralentir le processus pour gagner l’attention du public et espérer que le public convaincra le gouvernement qu’il faut changer ce projet de loi. »


Mme May espère éviter ce marathon en faisant déclarer irrecevable le projet de loi C-38 par le président de la Chambre des communes. Se basant sur la jurisprudence parlementaire, Mme May estime que le projet de loi mammouth ne se qualifie pas comme projet de loi omnibus, car il n’a pas un thème conducteur reliant toutes les mesures entre elles. La décision du président est attendue sous peu.

 

Les chômeurs et la mobilité


Par ailleurs, le Globe and Mail a révélé l’existence d’études gouvernementales démontrant qu’il n’existe aucun lien entre le fait de recevoir de l’assurance-emploi et la décision d’un chômeur de rester dans un marché du travail offrant peu de débouchés. Entre 2004 et 2009, le pourcentage de Canadiens déménageant à la suite d’une perte d’emploi était le même — 18 % —, que le chômeur se qualifie ou non à l’assurance-emploi. Quand les chômeurs décidaient de déménager, ceux recevant des prestations avaient davantage tendance à aller à plus de 100 kilomètres de leur domicile (73,5 %) que ceux n’en recevant pas (68,9 %).


Le gouvernement conservateur ne cesse de dire que la réforme qu’il propose — contenue elle aussi dans C-38 — vise à faire en sorte que les chômeurs dénichent plus facilement les emplois disponibles. Le gouvernement conservateur se garde bien de dire que les chômeurs devraient quitter les régions pauvres en emplois. La réforme fera en sorte que les chômeurs fréquents ne pourront se montrer sélectifs dans leur recherche d’emploi que pendant six semaines, après quoi ils devront accepter n’importe quoi pour peu que le salaire représente au moins 70 % de leur précédente rémunération.

À voir en vidéo