Des «servantes radicales» contre le débat sur l’avortement
Environ 200 manifestants ont scandé des slogans colorés hier midi devant l’édifice du parlement pour contester la tenue, ce soir, d’un débat sur la définition d’enfant qui aura pour effet selon eux de restreindre l’accès à l’avortement.
La manifestation s’inspirait du roman à succès de Margaret Atwood La servante écarlate. Dans ce roman d’anticipation, les femmes étaient divisées en trois catégories, notamment les servantes dont l’unique rôle était la reproduction. Placées au service des couples légitimes, elles étaient engrossées de force par le mari pour ensuite remettre leur nourrisson à l’épouse. Une douzaine de femmes se sont déguisées hier en de telles « servantes radicales » avec toges rouges et cornettes blanches.
« C’est une tentative de redéfinir quand commence la vie, de revoir la définition de personne dans le Code criminel. C’est une attaque contre les droits à l’avortement », a lancé une des organisatrices ainsi voilées, Julie Lalonde.
Dans la foule composée très majoritairement de femmes, on en voyait une le ventre sanglé d’une banderole clamant « à moi », une autre battant la mesure avec un spéculum. « Tous nos utérus nous appartiennent », clamait une affiche. « Harper, sors ta main de mon vagin », aboyait l’autre.
Les manifestantes voulaient souligner le fait que ce soir, la motion du député conservateur Stephen Woodworth sera débattue pendant une heure. Elle demande la permission à la Chambre des communes de former un comité pour étudier la définition d’« enfant ». M. Woodworth déplore qu’aux yeux de la loi, un enfant ne soit pas considéré comme tel tant et aussi longtemps qu’il n’est pas complètement expulsé du corps de sa mère.
Les critiques estiment qu’en ramenant le curseur du début de la vie en amont de l’accouchement, on criminalisera l’avortement ainsi que toute sorte de comportements susceptibles d’affecter un foetus.
Les manifestantes reprochent à Stephen Harper son « hypocrisie », lui qui laisse ce débat aller de l’avant alors qu’il avait promis en campagne électorale de ne pas rouvrir le débat sur l’avortement. « M. Harper n’a jamais dit qu’il dicterait le contenu d’un projet de loi privé », a rétorqué M. Woodworth. Il dit avoir reçu des milliers de contacts d’électeurs et que 90 % sont d’accord avec lui, mais ignore combien de ses collègues l’appuient.
Le chef du NPD, Thomas Mulcair, a soutenu qu’aucun de ses députés ne votera pour la motion. Le vote sera libre du côté libéral. Tous les conservateurs ne sont pas d’accord pour autant. Par exemple, Brent Rathgeber, d’Edmonton, se définit comme un libéral-social et estime qu’il est « difficile de ne pas faire ce lien » entre la motion de M. Woodworth et le débat sur l’avortement. « C’est une question qui divise les Canadiens et qu’il faudrait peut-être laisser de côté », a-t-il indiqué hier. La motion sera débattue une seconde heure, puis votée, en juin ou en septembre.