Débats au NPD à Québec - Premières entorses à la courtoisie

Québec — Le troisième débat de la course à la chefferie du NPD s'est déroulé à Québec hier autour du thème de la politique étrangère. Mais pour ce premier débat des candidats en sol québécois, l'objectif consistait aussi à montrer qu'ils parlaient bien français et comprenaient le Québec.
Les allusions au Québec ont fusé pendant tout le débat. «Mon grand-père était capitaine dans le 22e à Valcartier. On était très fier de lui», a lancé Brian Topp. «Quel plaisir d'être à Québec où on a réussi à mettre dehors Josée Verner et André Arthur!»Thomas Mulcair a raconté les débuts de sa carrière dans la capitale et Nathan Cullen a dit vouloir cerner les «rêves des Québécois».
Or ce débat survient trois jours après la publication d'un sondage inquiétant pour le parti. Produit par Forum Research, l'enquête place le NPD derrière les libéraux dans les intentions de vote au Québec, une première depuis l'élection du 2 mai.
Avec un appui sous la barre des 30 %, le parti se classe bien en dessous du 53 % qu'il récoltait en juin avant le décès de son chef, Jack Layton. Lors du scrutin de mai, la formation de gauche avait fracassé des records inespérés en faisant élire 103 députés, dont 59 en provenance du Québec.
Après Ottawa et Halifax, Québec est la troisième ville à accueillir un débat officiel de la course. Or cette fois-ci, presque toute la joute se déroulait dans la langue de Molière, ce qui posait des défis importants à certains des candidats anglophones peu à l'aise en français comme le député d'Ottawa Centre, Paul Dewar.
M. Dewar aurait paradoxalement dû être le plus à l'aise, puisque à titre de porte-parole en politique étrangère, le sujet était tout désigné pour lui. En plus d'éprouver plus de difficultés en français que les autres, il s'est trouvé sur la défensive quand sa collègue Peggy Nash lui a reproché d'avoir choisi pour assistant un député «unilingue anglophone». «Est-ce que ça respecte l'appui massif donné par les Québécois lors des dernières élections?», a-t-elle lancé devant les journalistes après le débat.
Mme Nash a par ailleurs révélé qu'elle n'interviendrait pas comme première ministre si le gouvernement du Québec décidait d'imposer des frais supplémentaires en santé, ce qui, selon M. Dewar, contrevient pourtant à la Loi canadienne sur la santé. «C'est une compétence provinciale», a-t-elle rétorqué.
Jugé un peu moins courtois que les précédents, le débat a quand même laissé sur leur faim ceux qui espéraient de réels affrontements entre les candidats. «On a appris des libéraux à ne pas faire de guerre civile dans notre parti», a résumé à ce propos Brian Topp après le débat.
Parenté d'esprit en politique étrangère
Il faut dire que le thème de la politique étrangère s'est révélé particulièrement pacifique au sein du groupe, les positions étant sensiblement les mêmes: critique de la «militarisation» opérée par le gouvernement Harper, redéploiement des Casques bleus, respect du Protocole de Kyoto, critique de la diplomatie basée sur les sables bitumineux, etc.
Cette parenté d'esprit était particulièrement manifeste lors de l'échange entre M. Mulcair et la députée manitobaine Nikki Ashton. Invités par l'animatrice à débattre et à souligner leurs divergences, les deux candidats se sont dits «d'accord» pour dénoncer les coupures «idéologiques» imposées par le gouvernement Harper dans l'aide à certains organismes de coopération internationale.
Bien que M. Mulcair soit en tête au Canada selon le dernier sondage Forum Research, les autres candidats n'ont pas concentré leurs attaques sur lui. Les échanges les plus vifs ont souvent inclus Brian Topp, par ailleurs. Peggy Nash et Paul Dewar l'ont talonné sur son statut de non-élu. «Qui doit donner son siège pour vous et quand?», a demandé M. Dewar qui s'est ensuite fait reprocher son «manque de jugement» par son vis-à-vis.
M. Topp a par ailleurs fait savoir après le débat qu'il comptait se présenter aux prochaines élections comme député, quoi qu'il advienne. Même chose pour Martin Singh, l'unique candidat des provinces de l'Est.
Sur le plan du contenu, ce dernier est probablement celui qui se démarquait le plus du lot, son discours à saveur entrepreneuriale tranchant avec le discours dominant de la gauche.
M. Cullen s'est pour sa part distingué en réitérant qu'il fallait s'allier aux libéraux pour contrer les conservateurs au prochain scrutin. «Si huit mois ont été un désastre avec M. Harper, imaginez huit ans!», a-t-il lancé.
Complètement en désaccord, M. Mulcair a lancé: «Les gens qui nous ont élus ne veulent plus rien savoir du parti du scandale des commandites!»
M. Cullen, un jeune député de la Colombie-Britannique, est par ailleurs celui qui a su le mieux charmer la jeune assistance du Palais Montcalm avec ses boutades bien placées. «Le problème de M. Harper en Chine, [c'est qu'il] parle seulement aux pandas, et pas aux Tibétains», a-t-il lancé dès la ligne de départ. Plus tard, il a même laissé entendre qu'il avait trop bu de caribou au Carnaval de Québec la veille.
Le prochain débat de la course à la chefferie doit avoir lieu le 26 février à Winnipeg, suivi de Montréal (le 4 mars) et Vancouver (le 11). Le vote final doit quant à lui avoir lieu le 24 mars. Ceux qui souhaitent y participer n'ont plus que quelques jours pour devenir membres du parti (jusqu'au 18 février).