Députée transfuge - Le NPD exclut tout effet de l'après-Layton

La députée de Saint-Maurice–Champlain, Lise St-Denis, a quitté hier le NPD pour devenir le huitième membre québécois de la députation du PLC, qui en compte maintenant 35. Elle est ici entourée du député libéral Denis Coderre et du chef  intérimaire du PLC, Bob Rae, avant la conférence de presse tenue hier à Ottawa.
Photo: Agence Reuters Blair Gable La députée de Saint-Maurice–Champlain, Lise St-Denis, a quitté hier le NPD pour devenir le huitième membre québécois de la députation du PLC, qui en compte maintenant 35. Elle est ici entourée du député libéral Denis Coderre et du chef  intérimaire du PLC, Bob Rae, avant la conférence de presse tenue hier à Ottawa.

Ottawa — À peine huit mois après l'élection qui l'a portée au pouvoir avec la vague orange qui a déferlé sur le Québec, la députée de Saint-Maurice-Champlain, Lise St-Denis, a claqué la porte au NPD pour rejoindre les libéraux. Se disant déçue de certaines prises de position néodémocrates, l'élue a cité l'expertise de ses nouveaux collègues du Parti libéral pour expliquer son geste. Les néodémocrates, eux, ont refusé de se montrer émus ou ébranlés par ce départ.

Peu connue sur la scène fédérale, Lise St-Denis travaillait avec la section-Québec du NPD depuis dix ans, mais il aura suffi de quelques semaines pour qu'elle déchante. Sa réflexion s'est amorcée il y a six mois, soit seulement deux mois après le dernier scrutin et six semaines avant le décès du chef du parti Jack Layton.

«Je n'ai pas fait ça à l'aveuglette», a-t-elle dit hier lors d'une annonce qui en a surpris plusieurs. «Je ne m'imaginais pas que ce serait ce que c'était. [...] Je ne suis pas d'accord avec l'attitude qu'ils ont adoptée dans certains dossiers», a-t-elle plaidé en conférence de presse, accompagnée de son nouveau chef intérimaire, Bob Rae, et du vétéran libéral Denis Coderre — qui aurait eu un rôle à jouer dans ce repêchage, à en croire le sourire qu'il affichait hier matin.

Questionnée à savoir si sa défection ne risquait pas de froisser ses électeurs, Lise St-Denis n'a pas nié avoir été élue d'abord en raison du leader charismatique qu'elle endossait à l'époque.

«Ils ont voté pour Jack Layton. Jack Layton est mort», a-t-elle toutefois tranché, en disant néanmoins espérer que sa circonscription, jadis représentée par Jean Chrétien, accepte son changement de cap.

Pourtant, lorsque la députée a engagé une ex-employée et ancienne candidate libérale pour l'épauler dans son comté, certains citoyens l'ont critiquée. «Les électeurs de Saint-Maurice-Champlain ont voté pour être représentés par le Nouveau Parti démocratique et non par le Parti libéral. Cette situation indispose beaucoup les citoyens», avait déploré une résidente dans une lettre ouverte publiée par l'Hebdo de Saint-Maurice cet été.

Un sentiment qui sera le même à la suite du départ de Mme St-Denis pour les banquettes libérales, préviennent les néodémocrates. Le président du caucus québécois du parti, Guy Caron, a accusé son ex-collègue d'avoir posé un «geste antidémocratique».

Les troupes du NPD refusent en outre d'y voir un signe que l'histoire d'amour entre le parti et le Québec ne passait que par Jack Layton. «Les gens ont voté pour M. Layton, oui, mais ils ont également voté pour un ensemble de valeurs que M. Layton véhiculait», a déclaré M. Caron.

Mais il reste que le départ de Mme St-Denis survient à la suite de plus d'un sondage affichant une baisse d'appuis pour les néodémocrates au sein de la population québécoise. Orphelins de leur chef, composant avec une course au leadership pour lui trouver un successeur, les néodémocrates semblent avoir du mal à raffermir l'attachement des Québécois envers leur formation.

Nouvelle recrue avant le congrès

Les libéraux, en revanche, étaient tout sourire au moment d'accueillir un huitième député québécois au sein de leur caucus, qui compte maintenant 35 membres. Cette nouvelle recrue rejoint les troupes au moment où celles-ci s'apprêtent à se réunir en congrès à Ottawa, cette fin de semaine, pour amorcer la reconstruction de leur parti. Les libéraux ont été relégués au troisième rang aux Communes lorsqu'ils ont pratiquement été rayés de la carte en mai dernier par le NPD, notamment au Québec — tout comme les conservateurs et les bloquistes.

«Quitter l'opposition officielle pour le troisième parti, ce n'est pas exactement une décision d'opportunisme», a d'ailleurs blagué Bob Rae. Le candidat libéral dans le comté, Yves Tousignant, était arrivé quatrième le 2 mai dernier, avec 13 000 voix de retard sur Mme St-Denis.

Tentant d'expliquer son choix, la transfuge a fait valoir qu'elle ne se «[voyait] pas rester là pendant trois ans, à entendre des options auxquelles je ne croyais pas», citant notamment la prolongation de la mission de combat en Libye ou la volonté des néodémocrates d'abolir le Sénat. Dans ce dernier cas, il s'agit pourtant d'une position affichée dans le programme du NPD depuis des décennies.

Outre ces enjeux, Mme St-Denis estime que le Parti libéral, malgré son caucus réduit (le tiers de celui du NPD, qui en compte 101), est mieux armé pour défendre la place du Québec au sein du pays, en raison de l'expertise acquise. Les idées se ressemblent, mais ne sont pas exploitées de la même façon, a argué Lise St-Denis, citant le boycottage libéral des votes sur la nomination d'un vérificateur général unilingue, aux Communes et au Sénat.

Geste de «mécontentement personnel»

Dans le camp néodémocrate, on n'a pas tardé à critiquer la députée, prétextant qu'elle avait du mal à s'entendre avec l'équipe depuis le début et que son geste témoigne d'un «mécontentement personnel» de la part d'une élue dont la voix n'était peut-être pas assez écoutée à son goût.

M. Caron a quant à lui plaidé que Mme St-Denis ne faisait pas partie de la liste de leurs grands joueurs. «Je pense que ce sont eux, les perdants», a-t-il laissé tomber au sujet des libéraux.

Les néodémocrates militent depuis longtemps pour mettre fin aux défections. L'un de leurs députés présente depuis 2004 un projet de loi imposant la démission d'un transfuge afin de l'obliger à briguer une nouvelle élection sous ses nouvelles couleurs. M. Caron a ainsi mis les troupes libérales au défi de présenter Mme St-Denis dans une élection partielle, ce à quoi le Parti libéral a refusé d'acquiescer.

Lise St-Denis est âgée de 71 ans. Cet été, on a diagnostiqué chez cette ex-enseignante un lymphome non hodgkinien, pour lequel elle suit toujours des traitements. Elle s'est cependant dite en pleine forme.

Elle avait appuyé Thomas Mulcair dans la course à la chefferie du NPD. L'équipe de ce dernier s'est bornée à qualifier la nouvelle de «très décevante» dans un courriel envoyé par l'entremise d'une porte-parole.    

À voir en vidéo