Entrevue avec Nycole Turmel - Le défi de l'unité

Nycole Turmel a été propulsée à la tête du NPD huit semaines après avoir été élue pour la première fois aux Communes.
Photo: Agence Reuters Chris Wattie Nycole Turmel a été propulsée à la tête du NPD huit semaines après avoir été élue pour la première fois aux Communes.

Ottawa — Le défi était de taille pour Nycole Turmel, qui a hérité d'un NPD désormais orphelin de son leader Jack Layton et lancé dans une course à la direction opposant pas moins de neuf candidats. La chef intérimaire du Nouveau Parti démocratique s'était fixé un seul et simple objectif: maintenir l'unité. Et elle estime qu'elle l'a relevé.

Les sujets de discorde étaient au rendez-vous cet automne: registre des armes d'épaule, réforme de la carte électorale au pays, attribution de contrats navals, bilinguisme chez les juges et les officiers du Parlement. Tous des sujets sur lesquels les 102 députés néodémocrates issus des quatre coins du pays, urbains comme ruraux, ne s'entendent pas.

«Mon objectif personnel, c'était de m'assurer que le caucus reste uni, qu'il travaille ensemble et qu'on remette ça au nouveau chef [...] À date, je considère que mission accomplie», souligne-t-elle en entrevue de fin d'année avec Le Devoir la semaine dernière.

Malgré ses efforts, au moment de voter sur le sort du registre les troupes néodémocrates se sont montrées divisées. La chef a imposé des sanctions aux récalcitrants, elle en aura été critiquée, mais reste que ce fut le seul vote qui n'a pas affiché d'unanimité.

La nouvelle réalité démographique de la députation a toutefois bel et bien eu un autre contrecoup, cette fois-ci quant à la nomination de nouveaux juges à la Cour suprême. Car le député qui siégeait au comité à huis clos a approuvé les choix en évaluant uniquement les compétences juridiques des candidats, et non linguistiques. Résultat: un juge unilingue anglophone a été recommandé, alors que le NPD tente depuis 2008 de faire adopter un projet de loi imposant le bilinguisme des magistrats au plus haut tribunal du pays. Autre preuve que les préoccupations que doit maintenant concilier le parti ne sont pas toujours partagées par tous ses membres, le caucus étant composé aujourd'hui à majorité de Québécois (59 élus).

Nonobstant, Nycole Turmel se dit fière de son travail à la tête du parti. Or, si elle estime avoir relevé les défis, elle a tout de même avoué, la dernière semaine des travaux parlementaires, que l'apprentissage avait été difficile. Propulsée à la tête du NPD seulement huit semaines après avoir été élue pour la première fois aux Communes, Mme Turmel devait maîtriser tous les dossiers, nationaux comme internationaux.

«Non je n'étais pas prête pour ce travail-là [...] Ce serait prétentieux de dire que j'étais prête», estime-t-elle. D'autant plus qu'à la veille des élections, Nycole Turmel n'était même pas convaincue de devenir députée — encore moins leader politique. «On se rappelle qu'en février-mars, on parlait d'une possibilité de faire élire trois députés au Québec — et j'étais la troisième qu'on mentionnait. Donc, de se retrouver chef de parti, deux mois et demi après les élections, c'est vraiment un changement complet dans ma vie, personnelle et professionnelle.»

Mais il n'était pas question de dire non quand Jack Layton l'a appelée pour lui demander son aide. La voix faible, son chef lui tendait la main et Mme Turmel a senti le devoir d'accepter. Au départ, il devait s'agir de deux mois, loin des Communes; le règne de la chef intérimaire sera finalement de huit mois, dont cinq en Chambre à affronter le premier ministre et les conservateurs. Plusieurs ont d'ailleurs critiqué sa faible performance, lui reprochant d'être incapable de tenir tête à Stephen Harper.

À ces remontrances s'est ajouté une baisse de momentum dans les sondages au Québec. Mme Turmel refuse de se montrer inquiète, n'ayant toutefois pas été en mesure de détailler depuis le début de la nouvelle tendance ce qu'elle prévoit mettre en oeuvre pour renverser la vapeur et retrouver l'histoire d'amour que partageait le NPD de «Jack» avec les Québécois.

Invitée à nommer les réussites de son parti, cet automne, Nycole Turmel souligne le dossier d'Attawapiskat. C'est le NPD qui a soulevé le premier le sort de la communauté autochtone du Nord de l'Ontario, aux Communes. Et émue par la situation, la chef intérimaire a pour une rare fois mis de côté les discours récités pour parler avec émotion et conviction.

Son seul regret, en revanche, aura été l'épisode de sa carte de membre du Bloc québécois, qui a «mal parti» sa direction. Elle se dit déçue de ne pas avoir annulé sa carte plus tôt, et même de l'avoir prise, arguant que son engagement a toujours été «envers les néodémocrates et le Canada au complet».

Le défi accompli, Mme Turmel a néanmoins hâte de redevenir simple députée de Hull-Aylmer, lorsque le prochain chef sera choisi à la fin mars. Pour le moment, elle refuse cependant de prédire si elle briguera un second mandat. «C'est trop tôt pour le dire. On s'oriente vers ça.»

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