Course à la chefferie du NPD - Mulcair cible l'inexpérience de Topp

Brian Topp sait maintenant de quel côté Thomas Mulcair va l'attaquer dans les prochains mois: son inexpérience politique et les doutes qui existent quant à savoir si le «candidat de l'establishment» serait capable d'affronter Stephen Harper dans l'arène politique. Les dés et les gants sont jetés: la course au leadership du Nouveau Parti démocratique est réellement commencée depuis hier.
M. Mulcair a confirmé devant près de 250 personnes réunies à Montréal sa candidature à la succession de Jack Layton. Une trentaine de députés-recrues du NPD l'entouraient, soit pratiquement le tiers du caucus national. Quatre députés hors Québec faisaient partie du lot.Pas de noms très connus dans la liste — alors que M. Topp a l'appui de Françoise Boivin, d'Alexandre Boulerice, de Libby Davies ou d'Ed Broadbent, par exemple —, mais le nombre envoyait le message que M. Mulcair est capable d'être un rassembleur, tout en rappelant que la vague orange du mois de mai était surtout québécoise et en bonne partie attribuable à son travail comme lieutenant politique de Jack Layton.
L'ancien député néodémocrate Lorne Nystrom, qui a siégé de 1968 à 2004 — sauf durant une période de quatre ans — et qui fut trois fois candidat au leadership du NPD, était présent et représentait les appuis de l'Ouest, alors que le nouveau chef du NPD-Nouveau-Brunswich, Dominic Cardy, illustrait les appuis de l'Est. L'avocat Julius Grey, un sympathisant de longue date du NPD, soutient également M. Mulcair.
«Je ne veux pas remplacer Jack Layton, mais je souhaite lui succéder pour continuer à construire ce qu'il a déjà bâti», a souligné M. Mulcair. Selon lui, «l'important dans cette course au leadership n'est pas la provenance géographique du prochain chef, mais plutôt de répondre à la seule question qui importe: qui est le mieux placé pour conduire le NPD vers le prochain niveau, soit de former le prochain gouvernement? Nous avons un premier ministre qui croit être le maître du Parlement plutôt que son serviteur. Cette course est à propos de qui peut battre M. Harper lors de la prochaine élection», a-t-il lancé.
Pour défaire les conservateurs, Thomas Mulcair a souligné que le NPD devra «travailler à faire des gains partout ailleurs tout en gardant le soutien au Québec». Le défi sera donc d'«innover pour inclure les Canadiens au-delà de notre base traditionnelle». Pour bien marquer ce point, il a martelé que le NPD «devra devenir quelque chose qu'il [n'a] jamais été pour atteindre l'objectif» de former le gouvernement.
Ces quelques lignes visaient implicitement Brian Topp, grand rival de M. Mulcair pour cette campagne. M. Topp a récolté dans les dernières semaines plusieurs appuis (l'ancien chef Ed Broadbent, le Syndicat des Métallos) qui l'ont défini comme un candidat de l'establishment, plus près de la culture traditionnelle du parti. Ne pouvant jouer cette carte, Thomas Mulcair se pose donc comme celui qui sera capable d'élargir le bassin d'électeurs du NPD (en courtisant notamment le centre), tout en sachant mener la lutte politique dans la fosse aux lions qu'est souvent la Chambre des communes.
C'est d'ailleurs pour les capacités de débatteur de M. Mulcair que plusieurs ont indiqué l'appuyer. «C'est un leader naturel et charismatique qui a l'expérience politique qu'il faut pour amener le parti ailleurs», affirme Robert Aubin, député de Trois-Rivières.
Pour Lorne Nystrom, le NPD est à la croisée des chemins et le «prochain leader sera vu comme un premier ministre en attente. Nous ne devons pas gaspiller notre chance: il faut faire le bon choix. Le prochain leader doit donc être crédible, avoir une expérience électorale et parlementaire indubitable et être capable de se battre contre M. Harper et de sortir gagnant», pense-t-il.
Problème de cartes
M. Mulcair a par ailleurs réitéré ses appels pour que le NPD facilite le recrutement des membres au Québec. Actuellement, on recense 2400 membres québécois sur les quelque 88 000 que compte le parti, soit moins de 3 % du total. La course se déroulant selon le principe du «un membre, un vote», le Québec n'aura pratiquement aucun poids dans le choix du prochain chef, à moins d'un changement de situation rapide.
Or M. Mulcair a souligné hier qu'il faut présentement «plusieurs mois pour que les Québécois qui veulent devenir membres reçoivent leur carte. Le parti a l'obligation de corriger cette situation. Il est vrai que le Québec est la seule province qui n'a pas de NPD sur la scène provinciale [ailleurs, un abonnement au provincial donne automatiquement une carte fédérale]: c'est une explication, mais ça ne peut servir d'excuse», pense le député d'Outremont.
Joint par Le Devoir, le président du NPD-Québec, Raoul Gébert, a confirmé les problèmes actuels. Il croit toutefois que l'entrée en poste prochaine d'un coordonnateur aux membres québécois aidera à résorber le problème. «Jusqu'ici, les adhésions en provenance du Québec tombaient un peu entre les mandats de chacun», dit-il. M. Gébert s'est toutefois dit «déçu» de voir que Thomas Mulcair «fait de cette question un enjeu de campagne. Ce sera un élément important pour tout le monde, pas seulement pour lui. Alors, il n'avait pas besoin de rendre ça partisan.»