Le Wapikoni mobile, fleuron du Canada !

A la demande du ministère des Affaires étrangères, l'instigatrice du Wapikoni mobile, Manon Barbeau, a pris part à une table ronde Union européenne-Canada afin de présenter le studio ambulant qu'elle a mis sur pied pour permettre à des jeunes autochtones de s'exprimer par l'entremise de créations audiovisuelles et musicales. Et ce, même si Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) a torpillé sa huitième année en lui coupant les vivres plus tôt cet été.
La cinéaste a pris part la semaine dernière à un forum regroupant notamment des représentants de plus de 20 États membres de l'Union européenne, afin d'«échanger sur de bonnes pratiques, des modèles de politiques et d'expériences dans l'Union européenne et le Canada dans le secteur de la politique de la jeunesse» à Helsinki, en Finlande.Elle était aux côtés d'un représentant de L'apathie, c'est plate, un groupe qui emploie l'art, les médias et la technologie afin d'impliquer davantage les jeunes dans la politique canadienne.
Manon Barbeau ne s'enorgueillit pas de cette marque de reconnaissance par le ministère des Affaires étrangères et la Commission européenne. Elle s'efforce plutôt de combler un manque à gagner de près d'un demi-million de dollars.
«J'ai fait une présentation qui a eu beaucoup d'impact, qui a été très appréciée. Ça fait que le projet est connu à l'international», a affirmé Manon Barbeau, à l'occasion d'une entrevue téléphonique. Les représentants du Canada qui étaient là l'ont aussi connu un peu mieux. Ça sert aussi à ça. Plus on en parle, plus les gens découvrent l'envergure que ça a. Plus ils ont des chances d'être solidaires du projet», a-t-elle ajouté.
Manon Barbeau qualifie la situation de «paradoxale». «C'est ça qui est drôle. On va représenter le Canada, invité par le ministère des Affaires étrangères du Canada, devant l'Union européenne, alors que, d'un autre côté... [Service Canada nous coupe les vivres].»
Sans avertissement, RHDCC a opposé, au lendemain du scrutin du 2 mai, une fin de non-recevoir à une demande de subvention de 490 000 $ de Wapikoni mobile, soit un montant équivalant à la moitié de son budget de fonctionnement, a révélé Le Devoir à la mi-juillet.
Les appels à la raison lancés notamment par l'opposition officielle, le gouvernement du Québec, les leaders des Premières Nations, ainsi que le dépôt d'une pétition signée par plus de 4000 personnes à la Chambre des communes, sont restés sans réponse.
Bien qu'elle fasse aujourd'hui une croix sur la subvention d'un demi-million, Manon Barbeau exhorte la ministre de RHDCC, Diane Finley, à délier les cordons de sa bourse afin de financer quelques-unes des haltes prévues au calendrier 2011.
«On ne laissera pas tomber, c'est sûr. Ce qu'on aimerait, par exemple, c'est qu'elle nous donne au moins un petit montant, pour nous montrer sa bonne volonté, pendant qu'on cherche des alternatives», dit la fondatrice, directrice générale et productrice de Wapikoni mobile.
«Le Wapikoni mobile n'est pas mort!»
À quelques jours du premier lancement-bénéfice international, Manon Barbeau a tenu à remettre les pendules à l'heure sur le Wapikoni mobile. «Le Wapikoni n'est pas mort!», a-t-elle lancé hier au Devoir. Le studio ambulant de création audiovisuelle et musicale a pu s'arrêter dans sept communautés autochtones grâce au soutien financier d'une poignée de précieux partenaires en plus de poursuivre ses programmes de perfectionnement en musique et de prévention de la criminalité.
«Ce n'est pas tout le fédéral qui nous lâche, c'est un ministère en particulier», a souligné à grands traits Manon Barbeau. Par exemple, Santé Canada a accordé une aide financière permettant au Wapikoni mobile de faire quatre «escales», soit une de plus que celles financées à l'origine par ce ministère. «Il y a une mine qui va fermer à Schefferville. Ils [les gens de Santé Canada] craignent l'impact sur les jeunes de Matimekosh et de Kawawachikamach. Comme ils craignent l'impact, ils souhaiteraient qu'on aille là-bas.»
De son côté, le Secrétariat aux affaires autochtones a subventionné «une partie de l'escale» à La Romaine, tandis que la députée de Bonaventure, Nathalie Normandeau, «a offert une escale aux Micmacs».
Manon Barbeau travaille d'arrache-pied afin de «récupérer le plus d'escales possible d'ici la fin de l'été prochain», alors que 12 haltes étaient prévues avant que le couperet de RHDCC ne tombe.
L'équipe du Wapikoni mobile tiendra, ce vendredi, son premier lancement-bénéfice international dans le cadre de la 40e édition du Festival du nouveau cinéma, qui s'échelonnera du 12 au 23 octobre.
Une quinzaine de films seront projetés sur écran géant, au Coeur des sciences de l'UQAM, dont celui du musicien atikamekw Sakay Ottawa, après quoi ils seront diffusés aux quatre coins de la planète. «Et ils vont sans doute recevoir des prix! Ils en ont déjà eu 47», a fait remarquer Manon Barbeau. Rappelons que Wapikoni mobile a permis à plus de 2000 jeunes autochtones au Québec de produire plus de 600 films et productions musicales dans les dernières huit années.
Pour leur part, Samian, Richard Séguin et Loco Locass convient la population à assister à un concert-bénéfice le mardi 29 novembre au Club Soda, qui sera précédé d'un encan où une oeuvre de Marcel Barbeau, père de Manon, sera vendue au plus offrant.
«La population ne peut être qu'un appoint. Il faut qu'on cherche des solutions ailleurs», a souligné Manon Barbeau. Celle-ci, qui doit réfléchir à un plan d'affaires — gracieuseté du Secrétariat aux Affaires autochtones —, effectue une opération séduction auprès de différentes fondations et de plusieurs acteurs du secteur privé. Le Wapikoni mobile a notamment courtisé la Fondation Chagnon. Depuis, il croise les doigts.
L'équipe du Wapikoni mobile a également été encouragée à entrer en contact avec des compagnies intéressées par le Plan Nord du gouvernement du Québec. C'est sûr que c'est incontournable. Il faut en même temps voir ce qui est profitable pour les jeunes des Premières Nations, en s'associant à des gens qui ne nuisent pas aux Premières Nations et à leur territoire.»