Coût des prisons - À Québec de couper dans ses programmes sociaux

Ottawa — Le gouvernement conservateur ne ressent aucune obligation de dédommager les provinces qui verront leurs coûts carcéraux augmenter à la suite de l'adoption des projets de loi resserrant la justice criminelle. Le bureau du ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, invite plutôt les provinces à couper dans l'aide sociale, l'éducation postsecondaire ou les services sociaux pour financer leurs prisons.
«Depuis que notre gouvernement est au pouvoir, les versements aux provinces ont augmenté de 30 %, ou de 12,7 milliards de dollars, a expliqué jeudi soir le porte-parole du ministre Toews, Michael Patton. Il revient à chaque province de répartir les ressources du Transfert social canadien selon leurs priorités.»Le Transfert social canadien auquel le bureau de M. Toews fait référence est pourtant un transfert d'Ottawa destiné au financement des missions sociales des provinces: l'éducation postsecondaire, l'aide sociale, les services sociaux et les centres de la petite enfance. Il n'est absolument pas question de financer les prisons.
Querelle à l'horizon
Une querelle fédérale-provinciale se profile à l'horizon sur cette question. Plusieurs des prévenus qui seront désormais envoyés derrière les barreaux à cause des projets de loi conservateurs iront dans des prisons provinciales parce que leur peine sera de moins de deux ans. Cela entraînera des coûts importants pour les provinces sans qu'elles aient leur mot à dire. On estime qu'un prisonnier provincial coûte environ 85 000 $ par année.
Les ministres fédéraux de la Justice et de la Sécurité publique ont soutenu cette semaine qu'aucune province ne s'était plainte de cette facture supplémentaire. Pourtant, le bureau du ministre québécois de la Sécurité publique, Robert Dutil, a confirmé au Devoir qu'il entendait réclamer un dédommagement d'Ottawa une fois que les coûts seront évalués. Le bureau de M. Dutil confirme que le ministre en a avisé personnellement M. Toews lors d'une rencontre fédérale-provinciale s'étant tenue à Toronto en janvier.
Invité à dire qui, du ministre Dutil ou Toews, disait vrai, le porte-parole de Vic Toews a d'abord qualifié le tout de «commérage». «Vous ne posez pas une question pertinente, écrit Michael Patton. Si je comprends bien, vous dites que vous avez parlé à une personne inconnue qui prétend avoir parlé au ministre québécois de la Sécurité publique à un moment inconnu dans un endroit inconnu à propos d'une conversation qu'il pourrait avoir eue avec le ministre Toews. Ce n'est pas une question, c'est du commérage.»
Lorsqu'on lui rétorque que «l'inconnu» en question est Mathieu St-Pierre, le porte-parole du ministre Dutil (donc, son vis-à-vis), le porte-parole fédéral s'est ravisé pour dire: «M. St-Pierre doit faire erreur. Le ministre Toews ne se souvient pas que le ministre Dutil ait fait une telle demande.»
Ottawa prétend que son projet de loi C-10 induira des coûts supplémentaires d'à peine 78 millions de dollars sur cinq ans, dont 10,9 millions pour les peines destinées aux délinquants sexuels. Le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, soutient qu'Ottawa sous-estime le coût de ses projets de loi en matière de justice. Seulement pour le volet de C-10 réduisant l'accès à la libération anticipée, Kevin Page prédit un coût de 1 milliard de dollars, alors qu'Ottawa prévoit y consacrer moins de 400 000 $ en cinq ans.