Course au leadership - Une leçon des libéraux pour le NPD

Stéphane Dion a été élu chef du Parti libéral du Canada. On le voit ici entouré de Jean Chrétien, Joe Volpe, Paul Martin et John Turner.
Photo: - Le Devoir Stéphane Dion a été élu chef du Parti libéral du Canada. On le voit ici entouré de Jean Chrétien, Joe Volpe, Paul Martin et John Turner.

Ottawa — S'ils ne veulent pas répéter l'expérience des candidats à la course au leadership du Parti libéral du Canada (PLC) en 2006, les prétendants au poste de Jack Layton auront tout avantage à ne pas trop délier les cordons de leur bourse. Car cinq ans plus tard, sept candidats libéraux traînent encore des dettes de cette campagne... et n'ont pas beaucoup de chances de parvenir à les payer.

Un rapport dévoilé mercredi par Élections Canada montre l'ampleur du problème. À ce jour, Martha Hall Findlay doit 115 000 $, Gerard Kennedy 108 000 $, Joe Volpe 110 000 $, Ken Dryden 354 000 $ et Maurizio Bevilacqua 33 000 $. Les cinq ne sont plus députés.

Le gagnant de la course, Stéphane Dion, doit quant à lui rembourser environ 30 000 $, et Hedy Fry (députée de Vancouver) quelque 77 000 $.

En théorie, ces candidats auraient dû rembourser leurs emprunts avant juin 2008. Comme la Loi électorale le prévoit, le directeur général des élections (DGE) leur a toutefois accordé un délai allant jusqu'au 31 décembre 2009. C'est l'unique délai que le DGE peut permettre: le seul autre recours des candidats est de s'adresser à la Cour supérieure, ce qu'ils ont fait en février 2010. Le délai alors accordé expire à la fin décembre 2011 (à part Ken Dryden, qui a jusqu'en juin 2012).

Au rythme actuel de collecte, aucun candidat ne peut toutefois espérer y arriver, à l'exception peut-être de Stéphane Dion. Durant les six premiers mois de l'année, Mme Hall Findlay, M. Kennedy et M. Volpe ont récolté chacun entre 24 000 $ et 34 000 $.

M. Dryden a récolté 6000 $: les intérêts courants, le solde qu'il doit rembourser est aujourd'hui plus élevé qu'il ne l'était en juillet 2008. Sans même compter ces intérêts, l'ancien gardien du Canadien finira de payer son solde dans une trentaine d'années s'il n'accélère pas le pas.

La situation est toutefois théorique, puisque M. Dryden a contracté son emprunt... auprès de lui-même. Seule l'obligation de respecter la Loi électorale l'empêche de mettre cet épisode derrière lui.

Cul-de-sac

En entretien, Stéphane Dion explique qu'il est «extrêmement difficile» de se sortir de cette situation. «Au début, pendant la course, ça va bien. Même dans les mois suivants, les gens ont encore frais en mémoire les événements. Sauf que plus les années passent, et moins les gens comprennent pourquoi ils devraient donner de l'argent pour une course qui est terminée — et parfois pour des gens qui ne sont même plus en politique.»

D'autant qu'il «arrive un temps où votre bassin normal de donateurs est saturé par la limite permise par la Loi», dit-il.

Révisée par les conservateurs en décembre 2006 (dix jours après l'élection de M. Dion), la Loi prévoit qu'un donateur ne peut donner qu'un maximum de 1100 $ par course à la direction d'un parti. Pas par année, ni par candidat: 1100 $, point final. Et ce ne sont que par ces dons que les candidats peuvent rembourser les prêts contractés pour mener la course. Avant les modifications, le montant était de 5400 $.

Ce sont d'ailleurs ces changements à la Loi qui expliquent en partie le problème des sept candidats. La course à la direction du PLC s'est tenue alors que les aspirants chefs croyaient pouvoir rembourser leurs prêts à coup de 5400 $: or, ils ont dû limiter ces contributions à 1100 $ dès l'entrée en vigueur de la Loi. «Tout avait été planifié en fonction des règles, dit M. Dion. Et du jour au lendemain, elles ont changé.»

Le fait que «la contribution des donateurs ne s'efface pas chaque année complique beaucoup la tâche des candidats», précise M. Dion. Ceux qui seraient désireux de contribuer l'ont bien souvent déjà fait, dit-il.

Et quoi ensuite?

Dans l'état actuel des choses, les sept candidats endettés pourraient être poursuivis pour avoir enfreint la Loi électorale (donations illégales). Mais encore? Pour Stéphane Dion, «la pression qui s'exerce sur [les candidats] est surtout d'ordre moral».

Dans son rapport définitif sur les dernières élections (publié il y a deux semaines), le DGE faisait remarquer que le système actuel de remboursement des créances — qui s'applique pour un candidat à l'élection comme un candidat à la direction d'un parti — «est mal adapté; il est lourd, complexe et peu efficace et il n'atteint pas ses principaux objectifs qui sont d'apporter une finalité à la gestion financière des campagnes en plus d'assurer la transparence et l'intégrité du régime de financement politique».

Le DGE montrait notamment du doigt «l'absence de finalité» du processus: cette impression qu'il ne se passe essentiellement rien quand un candidat ne paie pas ses dettes. Il propose notamment d'imposer aux retardataires «une interdiction de se porter candidat à une élection, à la direction d'un parti ou à l'investiture pendant un certain temps».

Mais ces changements ne sont pas pour demain matin, et les candidats à la succession de Jack Layton devront tenir compte des contraintes imposées par les modifications de 2006. Ce qui fait dire à Stéphane Dion que les néodémocrates devront être prudents «avant d'engager des dépenses». À 1100 $ par contributeur, la route du remboursement est longue.

Le conseil fédéral du NPD devrait annoncer vendredi prochain quelles seront les règles de la course au leadership. Tous les candidats potentiels attendent de connaître celles-ci avant de plonger. Pour le moment, Brian Topp, Thomas Mulcair, Peter Julian, Megan Leslie, Paul Dewar, Robert Chisholm ont tous indiqué «réfléchir». Roméo Saganash a quant à lui mentionné hier qu'il ne fermait pas la porte à une éventuelle candidature.

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