Ottawa abolit 776 postes en environnement

Tony Clement et Rona Ambrose
Photo: La Presse canadienne (photo) Adrian Wyld Tony Clement et Rona Ambrose

La suppression de centaines de postes à Environnement Canada est dénoncée par les partis d'opposition et les environnementalistes, qui y voient une mesure «brutale» et «irresponsable». Surtout que d'autres mesures de rationalisation devront être mises en place prochainement, dans le cadre du plan de réduction des dépenses de 4 milliards de dollars prévu par Ottawa dans le dernier budget.

Le Toronto Star a révélé hier que 11 % de la main-d'oeuvre du ministère de l'Environnement sera retranchée d'ici trois mois, soit plus de 700 postes, un nombre qui s'élève précisément à 776, selon La Presse canadienne.

Depuis 2007, le gouvernement conservateur demande à certains ministères et organismes de réaliser un examen stratégique annuel de leurs dépenses, dans le but d'en éliminer et de réduire le déficit. C'est ce qui a mené Environnement Canada à prendre une «décision difficile», comme l'a expliqué un porte-parole du ministère, Mark Johnson, par courriel. «Environnement Canada a donc examiné de près ses dépenses pour s'assurer de consacrer ses ressources à des priorités comme l'amélioration de la qualité de l'air et de l'eau pour les Canadiens.»

Résultat: plusieurs météorologistes, scientifiques, chimistes et ingénieurs ont reçu hier ou aujourd'hui une lettre les avisant qu'on tenterait de les réaffecter ailleurs dans la fonction publique, ou encore que des programmes de formation leur seraient offerts. Même des employés qui évaluent la qualité de l'air, soit une mission jugée prioritaire par le gouvernement, sont touchés.

L'exercice de réduction des dépenses doit de plus s'accélérer bientôt, alors qu'Ottawa demande aux ministères et organismes fédéraux de lui proposer dès cet automne des façons de réduire leurs dépenses de 5 à 10 %. Environnement Canada est du lot.

Le Nouveau Parti démocratique exige des explications au sujet des 776 postes en jeu. «On laisse aller des personnes compétentes, on laisse aller nos personnes qui ont le savoir. C'est regrettable, a dit la chef intérimaire du NPD, Nycole Turmel, sur les ondes de RDI. Au lieu d'être proactif dans l'environnement [le gouvernement conservateur] coupe.»

Les libéraux ne demandent quant à eux rien de moins qu'un retour sur la décision d'Environnement Canada, jugée «alarmante». Le parti ne croit pas que le tout se fera sans dommages. «C'est toujours une illusion de dire que l'attrition va sauver de l'argent sans couper dans les services, selon le député pour la circonscription de Westmount-Ville-Marie et leader parlementaire du Parti libéral du Canada, Marc Garneau. Ça montre que pour les conservateurs, l'environnement n'est pas une priorité.»

La chef du Parti vert, Elizabeth May, a été la première à monter aux barricades hier matin. En juin, elle avait déjà appris et révélé que 46 chercheurs contractuels en changements climatiques avaient perdu leur emploi chez Environnement Canada. «Le travail des scientifiques, des météorologistes est utile pour la sécurité de la société, que ce soit du côté des événements climatiques extrêmes ou pour la préparation aux grandes tempêtes, a dit Mme May. Cette décision est donc une menace pour la sécurité humaine et économique.» La députée de Saanich-Gulf Islands rappelle que dernièrement, Ottawa a réduit le budget de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale de 43 %.

Du Sierra Club à Greenpeace aussi, on s'indigne des impacts d'une réduction des effectifs. Ces groupes rappellent qu'Environnement Canada n'est déjà pas un ministère doté d'une énorme enveloppe, avec ses 19,7 millions de budget annuel et ses 7000 employés.

Greenpeace évalue qu'il s'agit d'une décision politique pour réduire l'expertise scientifique au fédéral. «On le sait, le gouvernement conservateur n'aime pas les dissidences et les opinions scientifiques qui ne tombent pas dans ses propres opinions en lien avec les changements climatiques ou autres, a dit le directeur de la section québécoise de l'organisation, Éric Darier. On va perdre collectivement une expertise indépendante des gros lobbys.»

Environnement Canada assure que ce sont plutôt 300 postes qui seront éliminés, en partie par attrition, bien que plus de 700 lettres aient pourtant été reçues par des employés. «Les employés touchés par cette décision seront couverts par le programme de réaménagement des effectifs qui les aidera à faire la transition vers de nouveaux emplois et une formation», a indiqué le porte-parole Mark Johnson.

Cela ne rassure en rien le président du Syndicat des travailleurs de l'environnement, William Pynn, et les 476 membres de ce syndicat qui ont reçu une mauvaise nouvelle par la poste. «[Les dirigeants d'Environnement Canada] font des estimations qui me semblent difficilement défendables, a confié M. Pynn. Les travailleurs que je représente ne sont pas des gens qu'on peut relocaliser facilement, tels des commis. Je suis un peu sceptique quant à la possibilité d'en relocaliser une grosse partie.» Le président craint que plusieurs offres d'emplois ne soient pas raisonnables, car ce ne sont pas tous les fonctionnaires qui sont prêts à déménager à l'autre bout du pays pour le travail.

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Rectificatif du 5 août 2011
Dans l’article précédent, il aurait fallu lire que le budget d’Environnement Canada est de plus de 1 milliard de dollars pour 2010-2011 et de 872 millions pour 2011-2012. Toutes nos excuses.

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