Un secteur négligé par les partis politiques - Et la recherche scientifique?

La recherche fondamentale a été délaissée par le gouvernement.
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir La recherche fondamentale a été délaissée par le gouvernement.

Mardi dernier, un débat sur les enjeux de la science et l'avenir de la recherche scientifique au pays devait réunir des représentants des différents partis au Cœur des sciences de l'UQAM. Comme seuls le Bloc québécois et le Parti libéral du Canada ont répondu à l'invitation, on a dû annuler l'événement. Ces deux partis politiques sont également les seuls à vouloir redonner à la recherche fondamentale ses lettres de noblesse, même si ses retombées économiques ne sont pas aussi patentes et aussi immédiates que celles de la recherche appliquée.

Au cours des deux dernières années, les chercheurs ont été nombreux à décrier les politiques du gouvernement sortant, voire à les craindre pour l'avenir de la recherche scientifique au Canada. La politique du gouvernement Harper «ressemble davantage à une politique industrielle qu'à une politique de recherche», faisait remarquer récemment au Devoir Pierre Noreau, président de l'Acfas. «Le fait que le secteur de la recherche soit sous la responsabilité du ministère de l'Industrie tend à mettre la recherche au service des besoins à court terme de l'économie. Un tel contexte favorise davantage les recherches appliquées, industrielles.»

Le nouveau président du Conseil national de recherches du Canada (CNRC), John McDougall, nommé en 2010 par le gouvernement Harper, a clairement indiqué à ses 4280 employés qu'ils devront désormais concentrer leurs efforts sur des «recherches qui bénéficieront aux consommateurs et à nos partenaires industriels et gouvernementaux» et qu'il choisira lui-même, en accord avec les vice-présidents de l'organisme, les projets qui seront financés. Le nouveau président, un ingénieur et homme d'affaires de Calgary, entend donc privilégier les recherches appliquées, allant ainsi à l'encontre de la vocation du CNRC qui, depuis sa fondation en 1916, a toujours gardé un juste équilibre entre recherche fondamentale et recherche appliquée.

Sous-financement

«Même si le gouvernement conservateur n'avait pas diminué les crédits accordés à la recherche — comme il se plaît à le dire — l'augmentation du nombre de chercheurs actifs — générée par les chaires de recherche et les fonds octroyés par la Fondation canadienne à l'innovation pour des infrastructures et des équipements de pointe — a grandement accru la pression sur les trois organismes de financement de la recherche (IRSC, CRSNG, CRSH), qui reçoivent énormément plus de demandes qu'autrefois», souligne Yves Gingras, sociologue des sciences à l'UQAM. Le nombre des chercheurs qui réussissent à décrocher des subventions a diminué substantiellement ces dernières années. «Le taux de réussite aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) n'est plus que de 17 %», affirme Richard Kinkead, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neurobiologie respiratoire à l'Université Laval. «On est rendu à un point où même des demandes d'excellente qualité ne sont pas subventionnées, par manque de financement. Cette situation engendre la mise à pied de professionnels de recherche», explique le chercheur, qui se désole que le ministre d'État aux Sciences et à la Technologie sortant soit un créationniste.

Défavorisés

«Le gouvernement conservateur accorde très peu d'importance aux recherches sur le réchauffement climatique, un domaine où l'expertise canadienne était reconnue internationalement», fait aussi remarquer Yves Gingras. À preuve: il a mis fin au financement de la seule structure de recherche pancanadienne sur le climat, la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère. Les sciences humaines sont également défavorisées par rapport aux sciences de la santé, qui sont «politiquement plus payantes», ajoute le sociologue.

Pour la première fois au Canada, le gouvernement conservateur s'est arrogé le droit d'attribuer un financement aux établissements de recherche de son choix, évitant ainsi la traditionnelle évaluation par les pairs. «Au lieu de financer les organismes subventionnaires, qui, par le biais d'une évaluation par les pairs (des scientifiques du Canada et d'ailleurs dans le monde), déterminent quels chercheurs et centres méritent d'être subventionnés, le gouvernement conservateur a octroyé 50 millions de dollars directement au Perimeter Institute for Theoretical Physics, un centre de recherche mis sur pied et financé en grande partie par le fondateur de Research in Motion, sans que ce dernier ait eu à compétitionner au Centre de recherche en sciences naturelles et génie (CRSNG), comme doivent le faire tous les autres centres de recherche», souligne Yves Gingras, tout en précisant que le Perimeter Institute est situé dans une circonscription ontarienne que les conservateurs avaient remportée par 15 voix aux dernières élections.

S'il est réélu, le Parti conservateur soutiendra la recherche susceptible de «stimuler la croissance économique» du pays. Dans son programme, il précise qu'il «fera de nouveaux investissements pour l'Institut national d'optique, le Perimeter Institute et Brain Canada», trois centres de recherche principalement privés.

Parti libéral

Marc Garneau, du Parti libéral, n'a pas manqué de rappeler que «c'est le Parti libéral dirigé par Jean Chrétien qui a créé la Fondation canadienne pour l'innovation, les chaires de recherche du Canada, Génome Canada et le programme des coûts indirects de la recherche», qui permet d'assurer le bon fonctionnement des laboratoires de recherche. «Compte tenu du déficit, nous avons visé un budget équilibré, ce qui fait que nos engagements demeurent prudents pour les deux prochaines années. Nous avons donc prévu des augmentations modestes, pas aussi élevées qu'on le ferait en situation de surplus, du financement de la recherche», a-t-il affirmé au Devoir. Dans sa plate-forme, le Parti libéral s'est engagé à soutenir particulièrement la recherche sur les maladies neurodégénératives, telles que l'Alzheimer et le Parkinson (80 millions de dollars pour les deux prochaines années), et la recherche sur les eaux douces (225 millions). Il prévoit annuler l'allégement fiscal accordé au secteur des sables bitumineux (d'une valeur de 490 millions) et utiliser cet argent pour développer des technologies qui permettraient d'assainir les sables bitumineux et pour soutenir la recherche sur de nouvelles méthodes d'exploitation moins polluantes.

Marc Garneau, du Parti libéral, n'a pas manqué de rappeler que «c'est le Parti libéral dirigé par Jean Chrétien qui a créé la Fondation canadienne pour l'innovation, les chaires de recherche du Canada, Génome Canada et le programme des coûts indirects de la recherche», qui permet d'assurer le bon fonctionnement des laboratoires de recherche. «Compte tenu du déficit, nous avons visé un budget équilibré, ce qui fait que nos engagements demeurent prudents pour les deux prochaines années. Nous avons donc prévu des augmentations modestes, pas aussi élevées qu'on le ferait en situation de surplus, du financement de la recherche», a-t-il affirmé au Devoir. Dans sa plate-forme, le Parti libéral s'est engagé à soutenir particulièrement la recherche sur les maladies neurodégénératives, telles que l'Alzheimer et le Parkinson (80 millions de dollars pour les deux prochaines années), et la recherche sur les eaux douces (225 millions). Il prévoit annuler l'allégement fiscal accordé au secteur des sables bitumineux (d'une valeur de 490 millions) et utiliser cet argent pour développer des technologies qui permettraient d'assainir les sables bitumineux et pour soutenir la recherche sur de nouvelles méthodes d'exploitation moins polluantes.

Le Bloc

Au Bloc québécois, on désire revaloriser la recherche fondamentale, ainsi que la recherche dans les domaines de l'agriculture et de l'agroalimentaire, affirme son porte-parole, Éric Couture. «Le BQ réclame aussi une véritable politique aéronautique fédérale qui comprendrait un programme clair et prévisible de soutien à la recherche et au développement, notamment une bonification de l'Initiative stratégique pour l'aérospatiale et la défense (ISAD), afin de mieux partager les risques entre le gouvernement et les entreprises.»

Le NPD n'a, pour sa part, pas répondu à notre demande d'entrevue, tout comme il était resté muet à l'invitation lancé par plusieurs organismes de vulgarisation scientifique pour tenir un débat et pour répondre à un questionnaire qui aurait permis de connaître la position du parti sur des enjeux scientifiques d'intérêt public.

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