Les salaires élevés des chefs autochtones sont dénoncés
Ottawa — Les chefs de bandes autochtones sont-ils payés trop cher? Et surtout, les contribuables canadiens devraient-ils connaître ces salaires? La Canadian Taxpayers Federation (CTF) croit que oui. Et pour démontrer la nécessité d'une telle transparence, elle publie les revenus de tous les leaders autochtones du pays, dont certains atteignent 978 468 $!
La CTF a déposé une demande d'accès à l'information au ministère fédéral des Affaires indiennes pour connaître les revenus de tous les dirigeants autochtones au pays. Les données obtenues révèlent que 130 dirigeants ont gagné plus de 150 000 $ en 2008-2009. La championne, et de loin, est l'Alberta, où pas moins de 69 leaders et conseillers ont empoché plus de 150 000 $. La Colombie-Britannique suit avec 32 personnes dans la même situation. Viennent ensuite les quatre provinces maritimes (12), la Saskatchewan et le Manitoba (sept chacune) et l'Ontario (deux). Aucun chef québécois n'a touché cette somme. Au Québec, seulement trois leaders ont touché plus de 100 000 $.Le problème, selon la CTF, c'est que ces informations ne sont pas nominatives. Ainsi, on sait seulement que le conseiller des maritimes ayant empoché 978 468 $ gère une communauté de 304 membres. Le chef de cette même communauté a empoché 209 150 $. Le leader de Colombie-Britannique ayant touché 348 853 $ gère une communauté de 101 personnes.
«Imaginez un instant si les politiciens fédéraux décidaient eux-mêmes de leur salaire et s'ils cachaient celui-ci. Ce serait le désastre!», déplore Colin Craig, le directeur de la CTF pour la région des Prairies. Selon M. Craig, ces salaires sont beaucoup trop élevés. «Les gens se demandent pourquoi certaines réserves n'ont pas d'eau courante. C'est pour ça!»
Les leaders autochtones décident eux-mêmes de leur salaire, puisé à même les transferts versés par Ottawa. Seuls les résidants d'une réserve peuvent demander le salaire de leurs représentants. «Les dirigeants ont l'obligation de le faire connaître», explique la porte-parole du ministère Geneviève Guibert. Si les dirigeants sont réticents à fournir l'information, le citoyen peut s'adresser au ministère. S'il juge ce salaire injustifié, il doit se lancer dans la joute politique.
C'est là le problème, estime la présidente du Congrès des peuples autochtones, Betty Ann Lavallee. Certains membres craignent de demander des comptes à leurs leaders par crainte d'être pénalisés par la suite dans les services obtenus du conseil de bande. «Une échelle salariale devrait être établie et elle devrait être publiée», croit Mme Lavallee.
L'Assemblée des premières nations a refusé de commenter les données hier. On a plutôt renvoyé les journalistes à une déclaration écrite du chef national Shawn Atleo dans laquelle il fait valoir que la plupart des chefs gagnent des salaires raisonnables et travaillent de très longues heures. «Ils font le travail de cadres supérieurs au gouvernement et dans le secteur privé, n'ayant à leur disposition que peu de leurs outils ou peu de moyens. Ils méritent d'être bien rémunérés et, dans certains cas, ils le sont.»
Selon le site Web du ministère des Affaires indiennes, le salaire moyen des chefs autochtones au Canada serait de 60 000 $ et celui des conseillers, de 31 000 $. La députée conservatrice Kelly Block a déposé le mois dernier un projet de loi privé qui rendrait obligatoire la publication du salaire des dirigeants autochtones.