Élections au Nouveau-Brunswick - Deux chefs, 600 promesses et de plus en plus d'indécis

Le premier ministre sortant du Nouveau-Brunswick, Shawn Graham, a pressé pour une dernière fois hier ses partisans de convaincre leurs nombreux concitoyens indécis d'accorder au gouvernement libéral une seconde chance au terme d'une campagne électorale terne durant laquelle aussi bien les libéraux que l'opposition conservatrice ont été accusés d'avoir multiplié les promesses et ignoré totalement la dure réalité économique à laquelle fait face la province.

«La course durera jusqu'à la fin, mais nous voyons ce qui se passe sur le terrain et nous pensons que nous pouvons gagner», a affirmé le jeune premier ministre de 42 ans qui a même dit croire pouvoir gagner de nouveaux sièges. Le Parlement comptait 31 députés libéraux à sa dissolution pour cette première élection à date fixe au Nouveau-Brunswick, contre 21 du Parti progressiste-conservateur, 1 indépendant et 2 sièges vacants.

Les plus récents sondages racontent cependant une tout autre histoire. Les libéraux y ont commencé la campagne de 32 jours en tête, mais y accusaient, la semaine dernière, 10 points de retard derrière les troupes conservatrices de David Alward et leurs 47 % des intentions de vote. Réalisé il y a une dizaine de jours pour le compte de Radio-Canada et du quotidien L'Acadie Nouvelle, ce sondage plaçait les néodémocrates de Roger Duguay (9 %) et le Parti vert de Jack MacDougall (5 %) bien plus loin derrière.

Le résultat qui a surtout retenu l'attention est la proportion effarante d'électeurs se disant indécis (40 %) et le fait que leur nombre ait non pas diminué, mais augmenté au fil de la campagne électorale.

Les deux principaux partis en lice n'ont pourtant épargné aucun effort pour séduire les électeurs de la province d'un peu plus de 750 000 habitants. On estime qu'ils auraient fait, à eux deux, au moins 600 promesses durant les quatre semaines de campagne.

La transaction avortée


Les libéraux ont, entre autres choses, promis la création de 20 000 emplois et le retour à l'équilibre budgétaire en quatre ans, un gel de deux ans des évaluations foncières, 7000 nouvelles en places en garderies ainsi qu'un ordinateur portable à 61 000 élèves du primaire et du secondaire. Les conservateurs n'ont pas été en reste. Ils se sont engagés, eux aussi, à équilibrer les finances publiques d'ici quatre ans et à augmenter de 50 % le nombre de places en garderies, en plus de geler les tarifs d'électricité pour trois ans, de geler de façon permanente l'impôt foncier pour les propriétaires de 65 ans et plus, de doubler le nombre de docteurs et de réduire de moitié les taxes pour les petites entreprises.

Le projet de vente avorté d'Énergie Nouveau-Brunswick à Hydro-Québec pour 4,75 milliards est resté dans tous les esprits, même si les candidats en ont finalement assez peu parlé durant la campagne, ont noté les observateurs. Shawn Graham dit aujourd'hui avoir compris la leçon et que l'on ne l'y reprendra plus. Le chef conservateur, David Alward, s'en est tenu, quant à lui, à promettre la création d'une commission de l'énergie qui sera chargée de recommander au gouvernement la voie à suivre en la matière.

On ne donnait pas cher de la tête de Shawn Graham au plus fort de la contestation cet hiver. La colère populaire avait même incité un pasteur de 31 ans, Kris Austin, à former un nouveau parti politique appelé l'Alliance des gens du Nouveau-Brunswick et dénonçant les excès du gouvernement. La situation s'était toutefois améliorée pour le premier ministre après l'annonce, au printemps, de l'abandon du projet de transaction. Aujourd'hui, les sondages n'accordent même pas 1 % à Kris Austin et à son Alliance.

La campagne sera finalement apparue «terne» à l'électeur moyen du Nouveau-Brunswick, déplorait samedi le rédacteur en chef de L'Acadie Nouvelle, Jean Saint-Cyr. La vente avortée d'Énergie Nouveau-Brunswick a toutefois ramené à l'avant-scène les questions d'intégrité et de transparence qui risquent fort de jouer en faveur des conservateurs de David Alward, particulièrement dans les régions anglophones.

La province est habituée aux matchs électoraux serrés. Aux dernières élections de 2006, les libéraux l'avaient emporté facilement en nombre de sièges, mais avaient obtenu environ 1000 voix de moins que leurs adversaires conservateurs. Trois ans auparavant, Shawn Graham s'était fait damer le pion par un seul siège et environ 4000 voix par le premier ministre sortant, Bernard Lord.

Retour à la réalité

Le grand nombre de promesses auxquelles ont donné lieu les élections cette année a suscité bien des critiques de la part des analystes qui rappellent que la petite province traverse l'une des pires crises économiques de son histoire, que sa dette publique approche les 9 milliards et que le déficit du gouvernement pourrait atteindre le milliard cette année.

«On a fait de la comptabilité créative, ces derniers mois, et formulé des promesses qui étaient tout à fait farfelues», déplorait ce week-end l'économiste de l'Université de Moncton Donald J. Savoie, dans L'Acadie Nouvelle. «Dans quelques jours, le gouvernement ne chantera plus la même chanson, peu importe le parti qui remportera les élections, poursuivait-il. La campagne aura fait place à la réalité économique.»

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Avec La Presse canadienne

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