Charest accuse Ottawa de se soumettre aux États-Unis sur les changements climatiques

En mission en Inde, le premier ministre Jean Charest a accusé Ottawa d’être à plat ventre devant les États-Unis en matière de lutte contre les changements climatiques. M. Charest a riposté aux récentes critiques du ministre fédéral de l’Environnement, Jim Prentice, en affirmant que le seul plan des conservateurs est de s’aligner sur les politiques du gouvernement fédéral américain.
Le premier ministre a déclaré qu’il n’avait jamais pensé que c’était une bonne chose d’agir de la sorte.«Le seul plan qu’a le fédéral, c’est de s’aligner sur les États-Unis, a-t-il dit. Or, dans ma vie, je n’ai jamais pensé que m’aligner sur les États-Unis, c’était assez bon pour le Canada, que c’est ça notre politique.»
M. Charest a estimé que M. Prentice avait fait preuve d’ignorance lorsqu’il a critiqué une nouvelle réglementation québécoise pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) des automobiles. Lundi, M. Prentice avait déclaré que le Québec faisait preuve de «sottise» avec des dispositions lui permettant d’imposer des amendes aux constructeurs de véhicules qui dépasseront de nouvelles normes d’émissions.
Lors d’un point de presse, M. Charest a affirmé que le ministre fédéral s’est fourvoyé lorsqu’il a dit que les consommateurs s’exposaient à des amendes de 5000 $ et que le Québec faisait cavalier seul dans ce dossier.
Le premier ministre a corrigé M. Prentice, expliquant que ce montant était erroné et que 14 États américains ont adopté des règlements d’une sévérité semblable à ceux du Québec.
«Que le ministre fédéral de l’Environnement canadien ne sache pas, ou ignore ce fait, ça m’inquiète presque plus que ça me déçoit sur ces questions-là», a-t-il souligné.
La législation québécoise, qui est entrée en vigueur le mois dernier, stipule que les constructeurs automobiles disposent de cinq ans pour s’adapter aux nouvelles normes. En 2016, s’ils ne respectent pas leur plafond d’émissions de GES, ils seront passibles d’amendes rétroactives pouvant atteindre 5000 $. Les résultats des constructeurs seront calculés sur l’ensemble des ventes de leur parc automobile respectif.
Absence d'initiative des conservateurs
M. Charest a indiqué que le problème, dans la lutte aux changements climatiques, est l’absence d’initiatives des conservateurs fédéraux, qui sont à la remorque du gouvernement américain. Le premier ministre a soutenu qu’il était farfelu de reprocher au Québec de ne pas se conformer à un plan canadien qui n’existe pas.
«On attend toujours le plan fédéral, a-t-il dit. Je ne vois pas comment il peut reprocher au Québec de ne pas nous arrimer à un plan qui n’existe pas au gouvernement fédéral.»
Samedi, le gouvernement canadien a annoncé officiellement son intention de réduire ses émissions de 17% d’ici 2020, en se référant à leur niveau de 2005.
M. Prentice avait alors affirmé que le gouvernement fédéral avait l’intention d’aligner sa position sur celle des États-Unis.
M. Charest a plusieurs fois critiqué le manque d’ambition des conservateurs dans ce dossier, mettant de l’avant des cibles de réduction plus ambitieuses pour le Québec, soit 20% en 2020 mais en se référant au niveau de 1990.
Des accrochages avec le gouvernement du premier ministre Stephen Harper ont été fréquents, notamment lors du sommet sur les changements climatiques de Copenhague, en décembre dernier.
L'opposition n'apprécie pas
A Ottawa, les propos de M. Prentice ont continué à faire réagir. De l’avis du chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, cette sortie du ministre de l’Environnement est une façon de préparer le terrain en vue du budget. Mais surtout, M. Prentice «vient de se mettre tout le Québec à dos», a-t-il noté.
De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, n’a pas voulu jeter d’huile sur le feu en répliquant à M. Charest. «Ce qui est important, c’est de s’assurer qu’en bout de piste, que les objectifs que le gouvernement fédéral poursuit et que les objectifs que le gouvernement provincial poursuit, sont les mêmes objectifs, c’est-à-dire nous voulons diminuer les gaz à effet de serre», a commenté M. Cannon.
Rencontre annulée
Par ailleurs, une rencontre prévue en Inde entre Jean Charest et son homologue Manmohan Singh a été annulée aujourd’hui.
En après-midi, M. Charest se réjouissait de la perspective de discuter de libre-échange avec M. Singh, mais en fin de journée, son entourage a indiqué que le rendez-vous avait été annulé.
L’attaché de presse de M. Charest n’était pas en mesure de préciser le motif de ce changement de dernière minute.
Jusqu’à ce qu’elle soit annoncée ce midi, cette rencontre avec M. Singh n’était pas prévue au programme. Mais des arrangements avaient été pris rapidement afin que le premier ministre québécois devance son arrivée à New Delhi.
M. Charest devait être reçu en compagnie d’autres chefs de gouvernement de pays comme la Grèce, la Finlande et la Slovaquie qui seront, comme lui, dans la capitale indienne à l’occasion du Delhi Sustainable Summit, une conférence sur l’environnement. Les autres chefs de gouvernement ont aussi reçu un avis d’annulation de la rencontre.