Financement des partis politiques fédéraux - La démocratie pourrait souffrir d'une réforme incomplète

La fin des subventions aux partis politiques fédéraux, tel que le souhaite Stephen Harper, aurait des conséquences importantes sur la santé financière des partis, conclut une étude universitaire préparée par le professeur Tom Flanagan, un ancien conseiller de M. Harper. Il faut faire bien attention de ne pas plonger les partis dans la précarité, dit-il.

Si le gouvernement Harper décide de couper les subventions aux partis politiques, comme il l'a proposé dans le passé, il devra compenser la perte de revenus des partis par une modification à la Loi électorale du Canada, qui réglemente le financement des formations politiques. Il faudrait notamment permettre aux individus de donner de plus gros montants aux partis et permettre aux entreprises de contribuer, conclut une nouvelle étude menée par The School of Public Policy, de l'Université de Calgary.

L'un des deux auteurs est le professeur Tom Flanagan, un ancien conseiller de Stephen Harper. C'est la première recherche qui étudie les conséquences de l'élimination des subventions aux partis politiques.

À l'automne 2008, le gouvernement Harper avait annoncé son intention d'éliminer le montant de 1,95 $ par vote que les partis politiques reçoivent après chaque élection. Une somme qui représente actuellement 27 millions de dollars par année, divisée entre les partis. Devant le tollé des partis d'opposition et la formation d'une coalition pour torpiller le gouvernement Harper, ce dernier avait reculé et promis d'en faire une promesse électorale lors du prochain scrutin.

Tom Flanagan et son étudiant, David Coletto, se sont penchés sur le sujet. Ils précisent toutefois que leur analyse se veut objective. «Nous ne prenons pas position sur ce sujet très délicat», a dit M. Flanagan au Devoir.

Premier constat: la Loi électorale du Canada, dans sa forme actuelle, est trop restrictive pour permettre de compenser la fin des subventions, même avec des systèmes de collecte de fonds performants dans les partis politiques. Depuis la dernière réforme du gouvernement Harper, en 2007, les dons des individus sont limités à 1000 $ par année et les entreprises ne peuvent plus verser de l'argent.

«Les 27 millions versés aux partis ne pourront jamais être compensés par du financement populaire, peu importe la stratégie des partis. Il faudrait donc permettre aux gens et peut-être aux entreprises de contribuer davantage», dit Tom Flanagan.

Leur simulation montre qu'une contribution des entreprises et des individus à 5000 $ par année permettrait aux partis de toucher sept millions de dollars. On est donc encore loin des 27 millions actuels en subventions.


Couper dans le gras?

Le professeur de sciences politiques affirme que les subventions permettent aux partis politiques de toucher 50 % plus de revenus par année que dans l'ancien système (avant 2003), lorsque l'État ne versait aucuns fonds et que les entreprises et les individus n'avaient aucune limite de contribution.

«Ils peuvent certainement perdre une partie des 27 millions sans souffrir, puisqu'ils n'avaient pas autant d'argent avant et pouvaient quand même faire des campagnes électorales», dit Tom Flanagan. Par contre, en perdant une partie de cette somme publique, les partis devront cesser certaines dépenses, notamment les campagnes de publicité entre les élections et le maintien permanent des bunkers électoraux. «En diminuant les subventions publiques, ça va nuire aux organisations. Mais pas au point de les mettre en danger si on réforme en même temps la Loi électorale avec intelligence. Le parti le plus durement touché serait le Parti vert du Canada, qui devrait se passer d'une structure professionnelle.»

Stephen Harper n'a toutefois jamais dit vouloir réformer la Loi électorale en même temps, d'où l'inquiétude des autres partis, plus dépendants des subventions que le Parti conservateur.

Tom Flanagan déconseille au Parti conservateur d'aller de l'avant unilatéralement. «Une question aussi délicate que le financement des partis politiques devrait faire consensus entre les partis. Mais à cinq partis, ça peut être difficile», dit M. Flanagan.

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