Mission afghane: Ottawa met 300 jours pour répondre aux demandes d'informations

Des citoyens de la région de Kandahar observent un soldat canadien en train d’effectuer une patrouille.
Photo: Agence France-Presse (photo) Shah Marai Des citoyens de la région de Kandahar observent un soldat canadien en train d’effectuer une patrouille.

Ottawa — Il sera de plus en plus difficile d'obtenir des informations concernant la mission canadienne en Afghanistan. Le délai «standard» pour traiter toute demande d'accès à l'information reçue par le ministère des Affaires étrangères en ce domaine est désormais de 300 jours, ou 10 mois. Le ministère affecte en effet si peu de fonctionnaires au traitement des demandes que la loi est de facto non respectée de manière systématique.

Un analyste au ministère des Affaires étrangères a confirmé au Devoir que seulement trois employés travaillent à la section «Afghanistan».

«On est en sous-capacité, c'est le délai qu'on doit prendre pour toutes les demandes qui concernent la mission. C'est standard», dit-il. «On a réduit le nombre d'analystes à notre bureau», continue-t-il. Le Devoir avait révélé l'été dernier que le ministère des Affaires étrangères ne renouvellerait pas le contrat d'une douzaine d'analystes. Il s'agit donc du fruit d'une décision, et non du hasard.

La Loi sur l'accès à l'information est claire: les demandes déposées par les journalistes ou le public doivent obtenir une réponse en 30 jours ou moins. Il s'agit donc d'un délai dix fois plus long.

La commissaire à l'information du Canada par intérim, Suzanne Legault, ne veut pas se prononcer spécifiquement sur les 300 jours, puisque chaque cas est unique. Mais elle ajoute rapidement que les sous-ministres de chaque ministère doivent prendre au sérieux leurs obligations légales en matière d'accès à l'information et faire preuve de leadership.

«C'est sûr qu'il y a parfois des blips dans le système. Des gros dossiers arrivent, et l'institution est prise un peu par surprise [par le nombre de demandes d'accès que génère ce dossier]. Mais il y a d'autres dossiers qui ne sont pas des surprises. La guerre en Afghanistan n'est plus une surprise pour personne», dit Mme Legault en entrevue. «Il faut un nombre d'employés adéquat pour gérer les demandes. Quand on parle de leadership, c'est que le gestionnaire doit regarder son volume de travail et, considérant son obligation légale envers le public canadien, se demander quelle mesure il doit prendre pour remplir cette obligation.»

En prorogeant le Parlement le 30 décembre, le premier ministre Stephen Harper a mis un terme aux travaux du comité parlementaire qui se penchait sur le traitement réservé aux prisonniers faits par le Canada en Afghanistan.

Michel Drapeau, un avocat qui se spécialise dans les demandes d'accès à l'information, est outré de ces délais qui «tuent le concept d'accès à l'information». Une information qui est soumise 10 mois après qu'un événement s'est produit n'est souvent plus pertinente au débat public. Moins diplomate que Mme Legault, Michel Drapeau dit croire que l'affectation de peu de personnel au ministère des Affaires étrangères relève d'une décision consciente. «C'est le même processus d'étouffement qu'avec la prorogation du Parlement [...]. Ça participe de la même pensée. Si c'est le cas, on a un problème, car on manipule les leviers qui sont là pour la démocratie.»

Le ministère des Affaires étrangères est souvent montré du doigt pour son traitement jugé insatisfaisant des demandes d'accès à l'information. L'année dernière, dans son rapport de performance réalisé par le commissaire à l'information du Canada, il avait obtenu la note «F» et deux étoiles sur cinq. Son temps moyen de traitement des demandes était alors de «seulement» 132 jours.

En 2008-2009, le ministère avait reçu seulement 2 % de toutes les demandes d'accès déposées au gouvernement fédéral, soit 665 demandes. Selon M. Drapeau, il s'agit de la preuve que, contrairement à ce que prétend le gouvernement, il n'y a pas surcharge de travail. «Dans les années 70, quand la loi a été mise sur pied, on prévoyait un rythme de croisière de 70 000 demandes. On est à la moitié de cela.» Il a eu 34 041 demandes déposées en 2008-2009.

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