Revue de presse - Du Japon à l'Alberta
La question des changements climatiques a accaparé l'attention des leaders du G8 réunis au Japon mais aussi celle des Albertains, qui ont eu droit à la visite du chef libéral Stéphane Dion, ce dernier s'étant donné pour mission de leur expliquer son Tournant vert. L'opération lui a valu le respect de bien des commentateurs, qui ont comparé sa candeur au silence de Stephen Harper. Mais, malgré cela, il n'a pas vraiment fait de convertis, car tous s'entendent pour dire que trop de questions soulevées par son plan restent encore sans réponse.
L'Edmonton Journal croit que Dion a montré grâce à sa tournée que les attaques conservatrices le dépeignant comme un homme déconnecté et sans relief sont injustifiées. Le Journal trouve bien des défauts aux explications de Dion et à son Tournant vert, mais le chef libéral a démontré qu'il prenait au sérieux l'enjeu des changements climatiques et qu'«il était prêt à miser son avenir politique» sur le désir des Canadiens de s'y attaquer. Chroniqueuse au même quotidien, Paula Simons parle d'un «choix audacieux». «Au lieu de laisser Stephen Harper définir les paramètres des prochaines élections, Dion tente de le doubler en imposant les thèmes du prochain débat public.»Barbara Yaffe, du Vancouver Sun, va dans le même sens. Pour la première fois depuis leur défaite, les libéraux ont pris l'initiative du débat politique tout en se distinguant bien des conservateurs. Cela ne signifie pas que leur proposition soit parfaite, mais elle place l'environnement au coeur de la prochaine campagne, au grand dam des conservateurs, pour qui c'est le point faible. Tom Ford lui fait écho dans le Winnipeg Free Press. Il note qu'en refusant de faire tomber les conservateurs sur des enjeux de leur choix (lutte contre la criminalité, réduction de taxes), Dion a pu, à un moment où le gouvernement était plus faible, ramener les projecteurs sur le dossier que lui privilégie.
Neil Waugh, de l'Edmonton Sun, refuse de se laisser séduire par «l'ennemi public numéro un», Stéphane Dion, et son «plan tordu», dont il dit toujours ignorer le coût pour les Albertains. Lorne Gunter, du Calgary Herald, vogue dans les mêmes eaux. Le Tournant vert, Green Shift en anglais, n'est qu'un «Green Shaft» («grande arnaque», mais en termes moins élégants) pour faire payer l'Ouest comme au temps de la Politique énergétique nationale, dit-il.
Pendant ce temps, au Japon...
Notant l'audace de Dion, Lawrence Martin, du Globe, s'indigne du manque de courage des leaders politiques du G8, qui ont conclu leur réunion avec «des clichés creux sur la crise énergétique et le voeu pieu de s'attaquer aux changements climatiques d'ici 2050. Appelez cela une furieuse urgence d'agir dans 42 ans!» Il ne peut croire que les membres de ce club aient cherché à accommoder un président américain sur le bord de la porte. «Il n'y en avait que pour les sourires, les gentillesses diplomatiques, sans conscience du présent ni sentiment d'outrage ou d'urgence.» Selon Martin, les leaders d'aujourd'hui préfèrent tergiverser en attendant que la tempête passe, n'ayant d'oreille que pour leur intérêt politique.
D'ailleurs, la performance du premier ministre Harper suscite des avis partagés, tout comme celle du G8 qui parle de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 50 % d'ici 2050, sans préciser d'année de référence. En attendant un consensus, dit le Red Deer Advocate, on piétine et, au Canada, la politique du gouvernement Harper semble «être d'en faire le moins possible» et de «travailler très fort pour rester en retrait tout en se moquant de tous ceux qui disent avoir quelque chose à ajouter au débat ou à proposer pour en arriver à un consensus».
Le National Post, pour sa part, demande, dans la mesure où les cibles modestes adoptées à Kyoto en 1997 n'ont pas été atteintes, ce qui fait croire aux leaders du G8 qu'ils feront mieux en 2050. Et sans engagement des pays en développement dont les émissions croissent rapidement, tout cela s'avérera inutile. Le quotidien reconnaît que le gros du gâchis a été causé par les pays riches, mais même si le G8 atteint son but, il y aura encore trop d'émissions de CO2 produites par les pays en développement et ils devront agir.
Selon Iain Hunter, du Victoria Times Colonist, les dirigeants du G8 ont peu accompli parce que «leur attention est davantage tournée vers leurs électeurs, dans leurs supermarchés et leurs véhicules utilitaires, que vers les malheureux ailleurs dans le monde qui manquent de nourriture ou de moyens pour se déplacer». Écorchant Harper au passage, Jeffrey Simpson, du Globe and Mail, note que les sommets du G8 résolvent rarement les problèmes et que, dans ce cas-ci, on ne pouvait s'attendre à grand-chose puisque les vraies négociations sur les changements climatiques ne débuteront qu'après l'arrivée du nouveau président américain et l'organisation de son équipe. Bref, à temps pour la rencontre onusienne de 2009.
Faire payer les... pétrolières
Toujours dans le Globe, Jim Stanford, économiste des Travaileurs unis de l'auto, rappelle que les taxes sur le carbone suggérées par les partis politiques vont de 10 à 40 $ la tonne d'émissions de CO2 alors que le prix de l'essence a augmenté de 50 ¢ le litre en 18 mois, l'équivalent d'une taxe de 215 $ la tonne d'émissions. «On ne voit pourtant aucune publicité pour dénoncer le tort fait aux consommateurs. Et les conservateurs, non seulement approuvent tacitement cette taxe avec leur absence de politique énergétique, mais récompensent les entreprises avec des allégements fiscaux.» À son avis, il faut se demander qui devrait collecter cette «taxe» et au bénéfice de qui, les citoyens ou les actionnaires. Il croit qu'on devrait prendre un plus grand contrôle de ce qu'on paie déjà en imposant les profits excessifs des pétrolières. On récupérerait ainsi une partie de la taxe qu'elles récoltent pour l'utiliser à des fins d'intérêt public.