La chicane protocolaire du 400e continue
Québec — La ministre fédérale Josée Verner a refusé d'assister à l'Assemblée parlementaire de la Francophonie en fin de semaine à cause d'ennuis protocolaires avec Québec.
L'affaire fait suite aux tensions qui sont survenues entre Québec et Ottawa à l'occasion des multiples événements officiels qui se tiennent dans le cadre du 400e anniversaire de Québec et dans lesquels le gouvernement fédéral a voulu occuper un rôle prépondérant. Lors de discussions formelles, Québec s'est entre autres plaint de la grande place occupée par la gouverneure générale, Michaëlle Jean, dans ces événements.L'APF tenait sa 34e session à Québec jusqu'à lundi et quelque 300 délégués du monde francophone y ont participé. La ministre Verner détient le portefeuille de la Francophonie. Mais cette députée conservatrice de la région de Québec a refusé de participer à l'événement.
Selon de nombreuses sources, Mme Verner n'acceptait pas qu'une ministre du Québec, Nathalie Normandeau, s'exprime avant elle lors de la «séance solennelle d'ouverture» dans la matinée du 5 juillet. Mme Normandeau était alors présente à titre de vice-première ministre en remplacement de Jean Charest, occupé par la visite de son homologue français François Fillon. Or, selon les règles de préséance du protocole fédéral (affichées sur le site Internet de Patrimoine canadien), une ministre d'Ottawa doit prendre la parole non seulement avant tout ministre provincial, mais aussi avant tout premier ministre d'une province.
Versions contradictoires
Le bureau de Mme Verner a soutenu avoir reçu «une invitation à participer à l'APF le 5 juillet par le gouvernement hôte, soit le gouvernement du Québec», et avoir accepté l'invitation à condition de parler en matinée. Dans un courriel, l'adjointe spéciale aux communications, Kassandra Albert, adresse un reproche à Québec: «Malheureusement, l'hôte n'a pu s'accommoder de cette disponibilité. Un malheureux conflit d'agenda entre les deux parties a fait en sorte que madame Verner n'a donc pu être présente.» L'attaché de presse de Mme Verner, Dominic Gosselin, soutient que tout ce que Québec offrait à la ministre, c'est de parler en après-midi, «ce que son agenda ne lui permettait pas». Sur l'horaire remis aux journalistes, une allocution de Mme Verner figurait bel et bien, mais elle était prévue après la séance d'ouverture, soit entre 10h30 et 13h, autrement dit après l'allocution de Mme Normandeau.
«Nous ne devons pas être montrés du doigt, ce n'est même pas nous qui organisions ça», a rétorqué hier Hugo D'Amours, l'attaché de presse du premier ministre Charest. En effet, ce n'est pas le gouvernement du Québec qui était responsable de l'événement, comme l'a cru l'entourage de Mme Verner, mais bien l'Assemblée nationale. L'APF relève de cet univers de la «diplomatie parlementaire» sur lequel les gouvernements n'ont pas vraiment de prise. Par exemple, en 2001, pendant que les chefs d'État se rencontraient au Sommet des Amériques à Québec, les parlementaires tenaient une réunion parallèle où le projet de la Zone de libre-échange des Amériques était ouvertement condamné.
M. D'Amours a aussi tenu à préciser que c'était «la section du Québec de l'APF» qui était l'hôtesse de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie et non la section canadienne. Par conséquent, une ministre fédérale n'avait rien à faire dans la cérémonie d'ouverture, à laquelle ont par ailleurs participé le maire de Québec, Régis Labeaume, le secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Abdou Diouf, et le président de l'APF, Guy Nzouba-Ndama.
Au dire de M. D'Amours, des solutions de compromis ont été offertes à Mme Verner, par exemple de prendre «la parole à la fin de l'événement, ce qu'elle a refusé». Une information niée par Dominic Gosselin, attaché de presse de Mme Verner: «Le cabinet n'a jamais reçu de demande pour une présence de la ministre le 7 juillet à l'APF», a-t-il écrit dans un courriel hier.
Dans l'entourage de Mme Verner, on a tenté de minimiser l'absence de la ministre à la session de l'APF en soulignant «que de nombreux représentants fédéraux ont été présents sur place, dont des députés et sénateurs», selon ce que nous a écrit lundi l'adjointe Kassandra Albert. Cette dernière a ajouté que «le Canada, en 2008, préside le Sommet de la Francophonie, qui aura lieu en octobre dans la ville de Québec. Mme Verner aura alors l'honneur d'accueillir les parlementaires francophones».
La liste de 12 résolutions adoptées par l'APF sur divers sujets (dont TV5 et la libération d'Ingrid Betancourt, en passant par les droits de la personne) lors de ses travaux à Québec sera transmise à l'OIF en prévision du sommet. L'APF a entre autres invité l'OIF à tenir, lors du sommet d'octobre, un débat d'urgence sur la question de la crise alimentaire, ce qui correspond d'ailleurs aux voeux d'Abdou Diouf.