Affaire Cadman: le journaliste nie avoir trafiqué la bande
Ottawa — Le reporter Tom Zytaruk, par qui toute l'affaire Chuck Cadman est arrivée, défend son intégrité journalistique. Contrairement à ce que le premier ministre a allégué à la Chambre des communes, son enregistrement compromettant de Stephen Harper n'a pas été altéré. Prétendre le contraire relève de la théorie de la conspiration, dit-il.
«Toute cette histoire, digne de la zone 51, voulant que l'enregistrement ait été trafiqué est ridicule», a déclaré M. Zytaruk, en entrevue avec Le Devoir hier. La zone 51 est une base militaire du Nevada, si secrète qu'elle fait partie du folklore des chercheurs d'extraterrestres et autres amateurs de X-Files. «Mon entrevue avec M. Harper ce jour-là, sur la bande que j'ai en ma possession, contient l'entrevue dans sa totalité: elle n'a pas été manipulée, elle n'a pas été abrégée, elle n'a pas été altérée. Et, entre vous et moi, je serais fou [de l'avoir fait].»M. Harper a affirmé jeudi à la Chambre des communes que l'enregistrement de la conversation qu'il a eue avec M. Zytaruk en 2005, à propos de l'offre faite à M. Cadman, était «incomplète» et «manipulée». Sur cette bande, on l'entend dire en anglais qu'il s'agissait de «compenser les pertes financières» du député indépendant Chuck Cadman. M. Harper poursuit le Parti libéral du Canada pour 2,5 millions de dollars.
M. Zytaruk dit ne pas être visé par cette poursuite judiciaire. Il participera au lancement de sa biographie sur Chuck Cadman aujourd'hui, à Surrey. Il y affirme que M. Cadman, qui se mourait alors d'un cancer, s'était fait offrir une assurance vie d'un million de dollars par les conservateurs en échange de son vote à la Chambre des communes.
Paroles prémonitoires de Harper
Pour M. Zytaruk, la défense des conservateurs sent le réchauffé: elle lui rappelle l'affaire Gurmant Grewal. Toujours en mai 2005, ce député conservateur avait provoqué une commotion à Ottawa en révélant, enregistrement à l'appui, que l'entourage de Paul Martin leur avait fait miroiter une nomination politique ou diplomatique, à lui et à son épouse Nina, elle aussi députée, s'ils s'abstenaient de voter contre le gouvernement.
L'affaire s'était retournée contre les conservateurs lorsqu'on avait su que l'enregistrement de huit minutes n'était qu'un échantillon de conversations d'une durée totale de quatre heures. Des experts avaient aussi détecté des altérations de la bande à deux endroits cruciaux de la conversation. M. Grewal avait fini par démissionner.
M. Harper, alors chef de l'opposition officielle, avait d'abord défendu son député. «Je n'enregistre pas mes conversations, mais c'est légal de le faire. Pour ma part, je pense qu'on doit assumer ce qu'on dit en tout temps, qu'on soit enregistré ou non.» Paroles prémonitoires s'il en est. M. Harper a jusqu'à présent refusé d'expliquer ses propos enregistrés par le journaliste Zytaruk...
À la Chambre des communes hier, l'opposition est revenue à la charge. Le libéral Ralph Goodale a demandé sur quoi le premier ministre s'appuyait pour affirmer que l'enregistrement avait été manipulé. «Pourquoi ne dépose-t-il pas la version intégrale de cette bande?» Il a aussi demandé pourquoi M. Harper ne poursuivait pas M. Zytaruk et la veuve du député, Dona Cadman, qui sont à l'origine des allégations, plutôt que le Parti libéral qui les relaye.