Le foetus, une victime à part entière
Ottawa — Les députés conservateurs ont donné leur appui à leur collègue Ken Epp et réussi à faire adopter un projet de loi très controversé visant à considérer un foetus comme une victime distincte lorsque sa mère est attaquée ou assassinée.
Le projet de loi C-484, qui avait alerté les groupes de défense du droit à l'avortement, a finalement été adopté par un vote serré de 147 voix contre 133. Les conservateurs ont presque tous voté en faveur du projet de loi, à l'exception notable des ministres Josée Verner, Lawrence Cannon, Gordon O'Connor et de la députée du Québec Sylvie Boucher, qui ont voté contre.Le vote était libre du côté du Bloc québécois, et tous se sont levés pour dire non à cette initiative. Seul un néo-démocrate a voté avec le gouvernement, les autres se sont opposés au projet de loi. Chez les libéraux, une vingtaine ont donné leur appui à l'initiative, la plupart étant affiliés au caucus pro-vie. On comptait aussi les Québécois Massimo Pacetti et Francis Scarpaleggia. Ce sont ces votes qui ont fait basculer la balance en faveur de l'initiative conservatrice.
Le projet de loi est donc envoyé en comité parlementaire, où il sera étudié plus avant. Il est rare que les projets de loi privés, c'est-à-dire déposés par un député d'arrière-banc, reçoivent la sanction royale, sauf lorsqu'ils jouissent de l'appui du gouvernement. C'est le cas ici.
Code criminel
L'initiative de M. Epp, concernant les «enfants non encore nés», crée une nouvelle catégorie d'infraction dans le Code criminel, reconnaissant un foetus comme une victime à part entière. Ainsi, le meurtrier d'une femme enceinte serait accusé, non pas d'un, mais bien de deux meurtres.
Le député a présenté ce projet de loi le jour de la Saint-Valentin entouré de personnes ayant perdu des proches dans de telles circonstances, dont Mary Talbot, qui a perdu en 2005, à Edmonton, sa fille Olivia, alors enceinte de six mois. Mais plusieurs voix se sont élevées contre ce projet, craignant que celui-ci ne compromette le droit au libre choix en matière d'avortement. Car pour la première fois, si cette loi est adoptée, le droit canadien reconnaîtra au foetus des droits.
«C'est une façon de s'attaquer au droit à l'avortement par la porte d'en arrière», avait dit Joyce Arthur, de la Coalition du Canada pour le droit à l'avortement. «Cela vise à octroyer aux foetus une sorte de statut juridique. Dans notre Code criminel, on ne devient une personne que lorsqu'on sort vivant du ventre de notre mère. Si vous donnez ce droit à un foetus, comme le fait ce projet de loi, cela entre automatiquement en conflit avec les droits constitutionnels des femmes.»
M. Epp s'était fâché lorsqu'on lui avait posé la question. «Je suis très peiné que le débat sur l'avortement refasse toujours surface alors que nous parlons d'une femme qui a choisi de poursuivre sa grossesse.»
Le projet de loi dit clairement qu'il «ne vise pas un acte posé relativement à une interruption légale de la grossesse de la mère de l'enfant avec le consentement de celle-ci».