Revue de presse - Des dollars et autres grenailles
Cette semaine, il n'y en avait que pour le budget. À peu près tout le monde a dit qu'il n'y a rien là pour justifier des élections, ce qui a dû mettre du baume sur la fierté à vif de Stéphane Dion. Mais à part cela, on ne s'entendait même pas sur ce qu'est un vrai budget conservateur. Certains le mesuraient à l'absence de relief ou de vision, comme le Times Colonist, de Victoria, le Leader-Post, de Regina, ou encore le Vancouver Province et le Vancouver Sun.
Et si le Star-Phoenix, de Saskatoon, trouve que ce budget n'a rien de conservateur parce qu'il ne fait rien, entre autres, pour maîtriser la croissance des dépenses, l'Edmonton Journal trouve au contraire que c'est le budget le plus conservateur du gouvernement Harper. Le National Post applaudit avec encore plus d'enthousiasme à ce premier budget ressemblant enfin «à quelque chose de conservateur».Son chroniqueur économique, Terence Corcoran, franchement de droite, estime au contraire que ce budget est encore bien gras et que «le vrai fardeau repose peut-être sur les vrais conservateurs du Canada. Comment peuvent-ils appuyer un gouvernement Harper après un troisième rejet des notions de réduction de dépenses, de limitation du rôle du gouvernement, de réforme fiscale qui va au-delà de la diminution de la TPS»? Corcoran ne voit pas de prudence dans un niveau de dépenses similaire à celui qui prévalait il y a dix ans et n'est pas heureux de voir les conservateurs tenter de ravir le centre aux libéraux.
Révolution en chiffres
Le Toronto Star rejette cette analyse. Son équipe éditoriale considère plutôt ce budget comme le clou d'une réforme conservatrice de l'appareil fédéral. L'équipe éditoriale note que les conservateurs n'aiment pas les surplus, car ils incitent à la dépense et mènent par conséquent à un plus gros gouvernement. «Comme leur idéal est un gouvernement le plus petit possible, les conservateurs fédéraux réduisent les taxes à la moindre occasion, le moyen le plus sûr d'éliminer les surplus et de réduire la taille du gouvernement.» Et la tactique est même rentable politiquement puisque les contribuables sont reconnaissants de payer moins d'impôt, insouciants qu'ils sont des éventuelles compressions de dépenses qui viendront, note le Star, qui déplore que l'équipe Harper soit parvenue à ses fins si rapidement avec «l'aide passive des libéraux».
Le Calgary Herald apprécie le budget justement pour cette raison. «Un examen attentif montrera qu'il a été conçu pour discrètement réaliser des objectifs conservateurs, comme l'équité fiscale et le respect de la discrétion provinciale en matière de dépenses.» Selon le Herald, ce budget porte les marques idéologiques de Stephen Harper. «Des surplus annuels imposants sont la preuve d'une fiscalité trop lourde. Il faut donc louer un gouvernement qui, pour une troisième année de suite, les baisse au moyen de réductions de taxes, de remboursement de la dette et de transferts accrus aux provinces.» Le Winnipeg Free Press pense lui aussi que la fin des surplus plantureux est une bonne nouvelle pour le contribuable.
Thomas Walkom, du Toronto Star, pense qu'il s'agit d'un budget politiquement brillant mais qui ne fait pas ce qu'il devrait pour protéger le pays contre une récession possible. Mais voilà, ce n'était pas son but, ajoute Walkom. Astucieusement, il répond, à court terme, aux besoins tactiques des conservateurs et, à long terme, à leurs objectifs idéologiques. Et pour Walkom, ce sont ces derniers qui sont les plus intéressants. Avec le compte d'épargne libre d'impôt (CELI), ils commencent à neutraliser un aspect important du système progressif d'imposition qui vise à faire payer davantage d'impôt aux riches qu'aux pauvres. Après avoir «éviscéré la capacité fiscale de l'État» avec leurs réductions de taxes et d'impôt, les conservateurs passent à l'étape suivante, dit Walkom. «Ce sont des révolutionnaires avec une vision à long terme. Ce budget n'est qu'un petit pas dans la longue marche de Stephen Harper.»
Un général trop bavard
On tend à l'oublier — déjà! — mais les Communes ont commencé à débattre de la motion sur le futur de la mission canadienne en Afghanistan. Ce sont toutefois les commentaires du chef d'état-major, le général Rick Hillier, qui ont retenu l'attention. Son appel aux parlementaires pour un débat rapide et un appui unanime aux troupes a été mal reçu. Le Globe and Mail, qui ne cache pas son admiration pour le général, dit qu'il a outrepassé son rôle en se mêlant de politique. «Les officiers n'ont pas à dire aux partis politiques comment voter. Le général Hillier n'a pas non plus à laisser entendre que les politiciens qui n'appuient pas la mission n'appuient pas les troupes.» Le Globe ajoute qu'en démocratie, les généraux n'ont pas le droit d'intimider les élus. Si le général, poursuit le quotidien, «veut utiliser l'appui populaire dont il bénéficie pour influencer les décisions du Parlement, qu'il démissionne et se fasse élire. Jusque-là, il doit se rappeler qu'il rend des comptes au gouvernement, pas l'inverse». Le Winnipeg Free Press va dans le même sens, tout comme le Toronto Star, qui trouve que «le général est allé trop loin».
Une dernière couche
L'Ontario est en émoi à la suite d'un commentaire du ministre de la Santé, George Smitherman, qui s'est dit prêt à porter une couche pour adulte afin de mieux comprendre ce que vivent les patients âgés obligés de les porter trop longtemps à cause du manque de personnel dans les centres d'hébergement de la province.
Le tollé fut immédiat. «Des propos dégradants et insultants», écrit Christina Blizzard, du Toronto Sun. Thomas Walkom, du Star, souligne l'insensibilité d'un ministre prompt à plus de compassion cinq ans plus tôt. L'équipe éditoriale du Star prend note des excuses du ministre mais pose la question centrale: pourquoi la situation ne s'est-elle pas améliorée depuis cinq ans?
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