International Traffic in Arms Regulations - Les règles de Washington sont discriminatoires

L'application au Québec de la politique nommée International Traffic in Arms Regulations (ITAR) est contraire à la Charte des droits et libertés de la personne, a tranché la Commission des droits de la personne (CDP). Pour cet organisme, aucun compromis n'est acceptable: un employé ne peut pas être tenu à l'écart d'une tâche pour le seul motif d'être né dans un pays mal vu par Washington.

C'est pourtant ce qui survient souvent au sein des entreprises qui produisent des pièces soumises aux règles de l'ITAR. Cette politique stipule entre autres que les ressortissants de pays jugés hostiles aux États-Unis ne peuvent pas participer à la conception de matériel militaire stratégique. La liste des pays concernés change régulièrement mais comprend notamment la Chine, Cuba, Haïti, la Corée du Nord et le Venezuela.

Il y a un an, 24 employés de Bell Helicopter qui ont double nationalité et qui travaillaient à la production d'hélicoptères destinés à l'armée américaine ont dû être réaffectés à d'autres tâches en vertu de l'ITAR. C'est à ce moment que le grand public a découvert ces règles, en vigueur depuis plusieurs années.

Quelques jours plus tard, un autre cas impliquant Bell Helicopter était révélé. Jaime Vargas, un ex-stagiaire de cette société, avait alors déposé une plainte à la CDP en alléguant que l'entreprise avait abruptement mis fin à son stage parce qu'il était vénézuélien. Il s'agissait de la première plainte du genre déposée à la CDP (elle est toujours en suspens) et de la troisième au Canada.

Depuis lors, trois autres plaintes ont été soumises à la CDP, a-t-elle révélé hier (d'autres seront aussi bientôt déposées, selon le Centre de recherche-action sur les relations raciales). Au moins deux de ces plaintes concernent Bell Helicopter. L'entreprise de Mirabel vient toutefois de régler à l'amiable un premier dossier.

D'après ce que l'organisme a indiqué hier (le contenu de l'entente est confidentiel), le plaignant aurait essuyé un refus pour un stage en entreprise en raison de ses origines haïtiennes. Citoyen canadien depuis 30 ans, cette personne a été informée qu'elle ne pouvait pas recevoir cette formation en raison des dispositions de l'ITAR. Après enquête, l'exclusion du plaignant a été jugée «discriminatoire» par la Commission des droits de la personne.

Mais même si ce dossier s'est réglé positivement pour le travailleur, le fond du problème reste entier, affirme Gaétan Cousineau, président de la CDP. «Les règles de l'ITAR comportent des exigences contraires à la Charte», a-t-il confirmé. L'été dernier, la CDP a mené une étude juridique pour appuyer son interprétation. Et la conclusion est claire: «Des règles étrangères ne peuvent pas contredire des règles de base quand il y a atteinte aux droits des individus», note le président.

Ainsi, la CDP a relancé hier ses appels pour que Québec et Ottawa interviennent auprès des autorités américains afin que l'ITAR ne soit plus en vigueur ici. «Il y aurait moyen de garder un degré de sécurité adéquat sans que ça contrevienne directement à la Charte», a dit M. Cousineau.

Il y a deux jours, M. Cousineau a reçu une lettre du ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier, l'assurant qu'Ottawa fait des «efforts assidus» pour régler ce problème avec le département d'État américain. Au printemps dernier, les Américains avaient consenti à un certain assouplissement des règles pour les employés du ministère de la Défense nationale, mais cette entente laisse de côté toutes les entreprises privées.

«Il faut adapter ces règlements pour nous permettre un peu plus de liberté», a dit le directeur du développement des affaires de Bell Helicopter Textron Canada, Michel Legault. L'Association des industries aérospatiales du Canada est d'ailleurs du même avis; il ne reste plus qu'à convaincre Washington du bien-fondé d'une exemption canadienne.

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