La motion pour rouvrir le débat devrait être battue - Le mariage gai survivra aux conservateurs

Ottawa — Les adversaires du mariage gai, qui perdront selon toute vraisemblance le vote sur la motion conservatrice visant à relancer le débat sur la question cet après-midi, n'ont pas l'intention de se déclarer vaincus pour autant.
«Ce n'est pas la fin, a assuré hier Charles McVety, président du Canada Christian College, en conférence de presse à Ottawa. Il y a eu plusieurs autres motions, plusieurs autres votes au Parlement [sur le même sujet] au cours des cinq ou six dernières années, et ça n'a pas été la fin.»Il reste qu'aux Communes, hier après-midi, les discussions sur la motion donnaient clairement l'impression que le gouvernement de Stephen Harper voulait en finir une fois pour toutes avec cette question controversée.
Le premier ministre, pourtant un féroce adversaire du mariage homosexuel, n'a pas pris la parole sur la motion, qui prévoit, si elle est adoptée, le dépôt d'un projet de loi rétablissant la «définition traditionnelle du mariage», tout en respectant les mariages homosexuels déjà célébrés.
Pour les conservateurs, il s'agit surtout de respecter une promesse électorale et de répondre aux attentes de leurs électeurs de la droite religieuse.
En fait, les conservateurs ne se cachent même plus pour admettre que la motion n'aura pas suffisamment d'appuis pour être adoptée.
«Je crois que [la motion] va tomber et que le statu quo sur le mariage entre conjoints de même sexe va rester en place», a affirmé le député conservateur James Moore, qui votera contre la motion.
Au moins sept conservateurs, dont les Québécois Lawrence Cannon (ministre des Transports), Josée Verner (ministre de la Coopération internationale) et Christian Paradis, s'opposeront à l'initiative de leur parti. Les ministres John Baird (Conseil du trésor) et Jim Prentice (Affaires indiennes) feront de même, tout comme le député néo-écossais Gerald Keddy.
Chez les libéraux, la vaste majorité des députés voteront contre la motion. Mais pour éviter tout déchirement au sein du parti dont il vient de prendre les commandes, le chef Stéphane Dion a confirmé hier qu'il laisserait ses députés voter librement.
«Nous ne voulons plus voir ce genre de vote en Chambre, a-t-il déclaré en point de presse. Et la meilleure façon de s'assurer que ça n'arrivera plus, c'est par un vote libre, pour prouver que la très grande majorité des députés libéraux sont contre ce que le premier ministre veut faire. Ainsi, il ne pourra pas m'accuser de cacher cette réalité [la dissension au sein des libéraux] par un vote de parti.»
Après tout, au moins quatre libéraux (Raymond Bonin, John McKay, Gurbax Malhi et Tom Wappel) étaient prêts à défier toute discipline de parti pour appuyer la motion conservatrice.
Zizanie
La réouverture du débat parlementaire sur le mariage gai a un effet pervers chez ceux qui s'opposent au changement: déchirés sur la stratégie à adopter, ils en sont réduits à se lancer des invectives.
Hier matin, le député libéral Paul Szabo, jadis un farouche détracteur du mariage entre conjoints de même sexe, s'en est pris à un chef religieux qui lui a reproché de ne pas être en faveur de la motion des conservateurs.
Plus tôt cette semaine, Charles McVety, président du Canada Christian College, a promis de mettre sur pied une «armée de bénévoles» afin de défaire les députés qui, comme M. Szabo, sont toujours réticents face au mariage gai mais refusent d'appuyer la motion, y voyant une simple manoeuvre.
Le député a indiqué hier qu'il n'avait pas du tout apprécié de recevoir de telles «menaces». Il a sommé M. McVety de se rétracter.
Paul Szabo n'est pas seul: au moins quatre autres libéraux voteront contre la motion conservatrice même s'ils s'opposent au mariage entre conjoints de même sexe.
Le leader du gouvernement aux Communes, Rob Nicholson, n'a pas raté l'occasion de faire pression sur eux, de façon à embarrasser les libéraux.
«Ceux qui soutiennent que la définition traditionnelle du mariage est une institution sociale essentielle qui doit être rétablie et protégée devraient voter en faveur de cette motion», a-t-il estimé.
À l'instar de la forte majorité des députés de l'opposition, le néo-démocrate Bill Siksay a déploré le retour de ce débat déchirant.
«Y a-t-il quelque raison que ce soit de rouvrir ce débat à ce moment-ci? a-t-il lancé. Y a-t-il un déclin dans le nombre de mariages célébrés? Les gens abandonnent-ils l'institution du mariage à cause de la loi C-38 [qui a légalisé le mariage gai d'un océan à l'autre]?»
Charles McVety a reconnu hier qu'il n'avait aucune donnée à cet effet. Selon lui, le gouvernement doit néanmoins mener des études afin d'étudier «les impacts à long terme» du mariage homosexuel.
Depuis 2003, plus de 12 000 mariages entre conjoints de même sexe ont été célébrés au Canada.