Arar: Zaccardelli change sa version

Giuliano Zaccardelli, commissaire de la GRC
Photo: Agence Reuters Giuliano Zaccardelli, commissaire de la GRC

Ottawa — Le commissaire de la GRC, Giuliano Zaccardelli, devra déployer beaucoup de talent ce matin pour convaincre les députés de l'opposition qu'il ne leur a pas menti et qu'il mérite encore son prestigieux poste. Car après leur avoir dit sous serment qu'il s'était personnellement informé du dossier Maher Arar, ce Canadien expulsé vers les cachots syriens sous de fausses accusations de terrorisme, il a radicalement changé sa version des faits hier en déclarant n'avoir jamais rien su des erreurs commises par ses policiers.

La nouvelle est tombée telle une bombe hier après-midi. Au cours d'un discours devant le Canadian Club à Ottawa, le grand patron de la GRC a contredit toutes ses déclarations passées en affirmant que jamais il n'avait su que ses policiers avaient étiqueté — à tort — M. Arar comme un «extrémiste islamiste». Il l'aurait appris cet automne seulement à la lecture du rapport de la commission d'enquête. Le juge Dennis O'Connor y conclut que ce qualificatif, utilisé dans un avis de guet canadien destiné aux Américains, a «très probablement» conduit à l'expulsion de M. Arar vers la Syrie où il a été torturé.

«Les hauts responsables, incluant moi-même, n'ont su que lorsque la commission d'enquête a complété son travail», a affirmé M. Zaccardelli hier. C'est donc pour cette raison, explique-t-il, que les ministres libéraux en poste à l'époque n'ont jamais rien su de cette erreur. «Lorsque les ministres recevaient leurs briefings à propos du cas Arar, leur briefing ne spécifiait pas que des informations inexactes avaient été fournies aux Américains par la GRC», a ajouté M. Zaccardelli.

M. Zaccardelli se contredit donc complètement, car, en septembre, il avait déclaré que c'est à l'arrivée de M. Arar dans les geôles syriennes, à l'automne 2002, qu'il avait compris l'erreur commise par la GRC. Il existe donc un fossé de... quatre ans entre ses deux versions!

«Je me suis personnellement impliqué dans le dossier lorsque M. Arar a été détenu et envoyé en Syrie [à l'automne 2002]», avait-il raconté en comité parlementaire. «J'ai demandé à voir le dossier et j'ai demandé des documents spécifiques pour apprendre ce qui s'était passé. J'ai alors réalisé que nos enquêteurs, lorsqu'ils s'entretenaient avec des responsables américains, ont tenté de corriger ce qui était considéré comme des informations fausses ou incorrectes. C'est la première fois que j'ai réalisé que nous avions donné une impression incorrecte de M. Arar ou que nous l'avions présenté sous un faux jour pendant notre enquête. [...] J'ai alors tenté de savoir comment cela était arrivé.»

Ces comparutions se font sous serment, et mentir aux députés peut conduire à des accusations d'outrage au Parlement. M. Zaccardelli a pourtant insisté, hier, pour dire qu'il n'y avait «pas de contradiction» entre ses deux versions des faits. «S'il y a eu des malentendus, j'ai hâte de pouvoir répondre et clarifier certains points.»

Plusieurs observateurs ont qualifié le discours d'hier de «préventif». Giuliano Zaccardelli doit en effet comparaître ce matin une seconde fois devant le même comité parlementaire pour expliquer son implication dans le dossier Maher Arar. Le commissaire Zaccardelli a été convoqué à nouveau, car son premier témoignage a depuis été contredit par trois ministres de l'époque et un premier ministre: Lawrence MacAulay, Wayne Easter, Anne McLellan et Paul Martin. Les quatre ont déclaré n'avoir jamais été informés de l'erreur de la GRC, alors que M. Zaccardelli avait affirmé le contraire en septembre.

Ce revirement radical a mis les partis d'opposition à la Chambre des communes en furie, et tous les trois réclament désormais sa démission. Le député libéral Mark Holland ne contenait pas sa rage, martelant agressivement que les conservateurs devaient expliquer pourquoi ils avaient encore confiance en M. Zaccardelli.

«À moins qu'il puisse faire un miracle et expliquer toutes ces contradictions, je crois que des gestes décisifs devront être posés», a-t-il dit à la sortie de la Chambre des communes. Le député du NPD Joe Comartin tient le même discours. «Il y a une différence de près de quatre ans [entre les deux versions]. Croyez-vous vraiment que c'est plausible?», demande-t-il. Du côté bloquiste, on avait déjà demandé la démission du commissaire.

Le gouvernement quant à lui dit avoir encore confiance en M. Zaccardelli. «Il est encore en poste, il a encore la confiance de ce gouvernement, tout comme la GRC, qui s'acquitte très bien de sa responsabilité de garder nos rues en sécurité», a répondu le ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day. M. Day n'avait pas pris connaissance des déclarations du commissaire de la GRC hier. «Tout ce qu'il m'a dit est cohérent avec ce que j'ai lu dans le rapport» de la commission d'enquête, a ajouté le ministre.

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Avec Presse canadienne

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