Chrétien décoche une autre flèche à Martin

Absent de l'avant-scène politique au cours des trois dernières années, l'ancien premier ministre Jean Chrétien a fait un retour remarqué au sein de la grande famille libérale hier sans rater l'occasion de décocher une autre flèche à son rival de toujours, Paul Martin.
Jeudi soir, lors de son discours d'adieu devant les militants libéraux réunis en congrès à la direction du PLC, M. Martin avait eu de bons mots pour son prédécesseur au poste de premier ministre. En fait, tout le discours de M. Martin était placé sous le signe de la réconciliation, une situation qui faisait contraste avec les longues années de disputes et de coups bas entre les deux camps.En point de presse hier, M. Chrétien a reconnu que M. Martin avait été un bon ministre des Finances au sein d'une «grande équipe». Mais a-t-il été un bon premier ministre?, ont demandé les journalistes.
«Évidemment, il n'a pas gagné», a lâché sans détour le vieux lion libéral dans son style direct et unique. Quelques instants auparavant, il avait noté avoir pour sa part laissé en héritage trois gouvernements majoritaires. M. Martin a perdu le pouvoir en janvier dernier aux mains des conservateurs.
«J'aurais aimé mieux qu'il [M. Martin] gagne», a poursuivi M. Chrétien avant d'ajouter rapidement qu'il ne voulait pas commenter «l'actualité».
M. Chrétien devrait cependant se mouiller un peu plus sur ces questions d'actualité aujourd'hui lorsqu'il prendra la parole devant les délégués libéraux.
Hier, il est demeuré prudent sur la question de la motion conservatrice adoptée par les Communes reconnaissant que les Québécois forment une nation. M. Chrétien rentre tout juste d'un voyage d'affaires en Chine, mais ses conseillers lui ont donné un aperçu du débat qui s'est déroulé pendant son absence.
Il a surtout mis l'accent sur la difficulté des ministres conservateurs à expliquer leur geste. Un ministre a démissionné parce qu'il était en désaccord tandis que le ministre des Transports, Lawrence Cannon, a dû préciser ses propos après avoir fait allusion au fait que la motion n'englobait selon lui que les Québécois pure laine.
«Probablement qu'un jour, M. Harper nous dira ce que ça veut dire et je ferai des commentaires», a déclaré M. Chrétien, ajoutant que toute l'affaire «manque un peu de clarté», une allusion directe à la loi qu'il a fait adopter après le référendum 1995 sur l'avenir du Québec.
Premier ministre du Canada de 1993 à 2003, M. Chrétien a le droit de voter pour choisir le prochain chef libéral, mais il n'a pas voulu dire à qui ira son appui. Un bon chef «est celui qui gagne», a-t-il répliqué aux journalistes qui tentaient de lui faire cracher le morceau. «N'essayez pas de me faire parler. J'ai perdu le tour un peu», a glissé M. Chrétien, sourire en coin, avant de se diriger d'un bon pas, en compagnie de son épouse Aline, vers la salle du Palais des congrès de Montréal, où les militants étaient réunis.