La loi et l'ordre: Harper appelle les citoyens à l'aide

Le gouvernement fédéral annonce sans cesse de nouveaux resserrements au Code criminel, mais aucun n'a encore passé le test parlementaire. Le premier ministre attribue désormais ce retard à l'opposition et demande à la population d'exercer des pressions sur ses députés.
Ottawa — Le premier ministre Stephen Harper a lancé un appel à l'aide à la population hier afin que ses initiatives visant à resserrer la justice criminelle progressent au Parlement. M. Harper estime — à tort — que les députés de l'opposition exploitent le contexte de gouvernement minoritaire en freinant le cheminement parlementaire des projets de loi.«Dans un contexte de Parlement minoritaire, nous ne pouvons pas faire le travail seuls. Nous avons besoin des députés de l'opposition pour adopter cette loi et d'autres projets de loi importants pour s'attaquer au crime», a plaidé M. Harper hier devant l'Association des policiers de Toronto.
«Franchement, a-t-il poursuivi, l'opposition se traîne les pieds. Alors, si vous voulez que les criminels dangereux soient retirés de la circulation, qu'on combatte les crimes commis avec des armes à feu ou les peines avec sursis, qu'on augmente l'âge de protection ou encore qu'on combatte les courses de voitures dans les rues, appelez votre député, écrivez-lui une lettre pour lui dire d'appuyer ces projets de loi.»
M. Harper a profité de ce passage pour confirmer les informations publiées il y a trois semaines par Le Devoir selon lesquelles le gouvernement conservateur serrera la vis aux criminels récidivistes dans un projet de loi qui doit être déposé la semaine prochaine. Ainsi, le fardeau de la preuve sera renversé, et il reviendra aux individus reconnus coupables d'une troisième infraction violente ou à caractère sexuel de convaincre le juge qu'ils ne doivent pas être étiquetés comme des criminels dangereux et donc soumis à un emprisonnement indéterminé. À l'heure actuelle, ce sont les avocats de la Couronne qui doivent prouver la dangerosité d'une personne.
Le projet de loi prévoira aussi l'allongement de 12 à 24 mois de la période pendant laquelle un prévenu devra s'engager à ne pas troubler l'ordre public lorsque de telles conditions seront imposées.
Des députés retardataires?
Stephen Harper a même laissé entendre qu'un autre projet de loi pourrait être déposé plus tard pour renverser le fardeau de la preuve dans le cas de crimes commis avec des armes à feu. «Il ne suffit pas de déposer toute une panoplie de projets de loi devant le Parlement, a toutefois mis en garde le premier ministre. Il faut qu'on commence à les faire adopter.»
Le premier ministre accuse à tort l'opposition d'être à l'origine de ces retards, car la lenteur avec laquelle les projets de loi en matière de justice cheminent est plutôt attribuable à... une surcharge de travail.
Sur les 25 projets de loi déposés par le gouvernement conservateur depuis son entrée en fonction, sept émanent du ministère de Vic Toews. Deux en sont encore aux étapes préliminaires à la Chambre des communes tandis que tous les autres s'accumulent sur le plateau du comité de la Justice, débordé. (C'est sans compter un projet de loi privé et certaines autres initiatives.)
La semaine prochaine, le comité complétera à peine l'étude du premier projet de loi auquel il s'est attaqué, celui visant à interdire aux juges d'imposer des peines avec sursis dans le cas de certains crimes.
L'opposition est féroce à l'endroit de plusieurs de ces projets de loi. Celui sur le rehaussement de l'âge du consentement sexuel (ou âge de protection), par exemple, crée un grand malaise. Même le NPD, qui a dit pouvoir appuyer cette loi après que des amendements eurent été apportés, a subi des pressions de la part de ses militants pour faire marche arrière. Lors de son congrès à Québec, en septembre, des militants avaient exigé que le NPD change sa position. Le débat n'a finalement pas eu lieu.