Forum socioéconomique des Premières Nations - Pas d'autonomie sans partage du territoire, dit le chef Ghislain Picard

Ghislain Picard
Photo: Ghislain Picard

C'est à cause du manque de volonté des gouvernements que les négociations sur les revendications territoriales des autochtones stagnent depuis plus de 25 ans.

C'est du moins l'opinion de Ghislain Picard, chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), qui rencontrait l'équipe du Devoir hier. «À qui ça profite, finalement, quand les négociations traînent?», s'interroge-t-il. Poser la question, c'est y répondre. M. Picard cite en exemple le cas des Atikamekws, qui ont déposé leurs demandes en 1979 sans que le dossier soit réglé... 27 ans plus tard.

Certes, les Cris et le gouvernement du Québec, sous Bernard Landry, ont conclu la paix des Braves en 2002. Cette entente de coopération mutuelle permet l'exploitation des ressources du Grand Nord dans le respect du droit à l'autonomie et à l'autodétermination des autochtones. «La paix des Braves, ça touche les Cris. Il y a neuf autres nations au Québec», a lancé M. Picard.

Selon le chef de l'APNQL, les autochtones ne pourront pas prétendre à l'autonomie véritable tant que la question du partage du territoire ne sera pas réglée. «Pendant qu'on ne règle pas ce dossier-là, le développement [économique] se poursuit quand même. Donc, il n'y a aucune marge de manoeuvre, aucune force de négociation des communautés autochtones qui sont les principales touchées», a-t-il affirmé.

M. Picard fait actuellement la tournée des médias en préparation du premier Forum socioéconomique des Premières Nations, qui aura lieu du 25 au 27 octobre à Mashteuiatsh, près de Roberval. Les leaders autochtones, les politiciens et les représentants de la société civile «blanche» y discuteront notamment de santé, d'éducation et de développement des infrastructures dans les communautés.

L'APNQL tient un exercice similaire à celui qui avait précédé la signature de l'entente de Kelowna, en 2005. Le chef Picard avait boudé cette ronde de négociations entre le gouvernement Martin et les Premières Nations. Il ne regrette aucunement son absence de ce sommet, dont les objectifs étaient «irréalistes». M. Picard se garde toutefois de préciser quels seront les objectifs du forum de Mashteuiatsh. Ils seront fixés par les participants.

Le chef de l'APNQL se dit cependant préoccupé par l'avenir des jeunes autochtones. Une étude sur la santé des Premières Nations a récemment confirmé leur grande fragilité. Près d'un adolescent sur deux a consommé de l'alcool ou des drogues au cours de la dernière année. Près de la moitié des jeunes filles et le quart des garçons ont déjà songé au suicide.

Le forum aurait dû être organisé il y a dix ans, reconnaît M. Picard. Les autochtones ont cependant joué le jeu des gouvernements, notamment en acceptant de participer au Sommet socioéconomique de 1996, organisé par Lucien Bouchard. «Sauf qu'on était assis à une table avec 90 autres personnes et on ne se sentait pas tellement compétitifs, mon collègue inuit et moi», se souvient M. Picard. Depuis lors, il est convaincu qu'il faut porter «une attention spécifique» au sort des Premières Nations, d'où la tenue de ce premier forum, organisé sans aide de la part des gouvernements.

Cet exercice de prise en charge des autochtones prend valeur d'avertissement pour le nouveau ministre fédéral des Affaires indiennes, Jim Prentice. Celui-ci a récemment annoncé, de son propre chef, un plan visant à sortir les autochtones de leur tiers-monde. «Comment a-t-il fait pour déterminer ce dont nous avons besoin? Que s'est-il passé avec le partenariat? C'est comme retourner 25, 100 ans en arrière. C'est vraiment une attitude paternaliste», déplore M. Picard.

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