Assurance sociale - Cinq millions de cartes de trop !

Ottawa — Loin de s'être améliorée, la gestion du numéro d'assurance sociale (NAS) par Ottawa s'est détériorée depuis que le chien de garde du gouvernement a mis au jour ses graves cafouillages, il y a quatre ans. L'écart entre le nombre de NAS en circulation et la population s'est en effet accru de 33 %, pour atteindre cinq millions, révèle le dernier rapport de la vérificatrice générale, Sheila Fraser.

Le rapport de Mme Fraser était en fait un suivi sur cinq dossiers qui avaient posé des problèmes dans le passé afin de vérifier si le gouvernement avait bien mis en application ses recommandations. Constat: les ministères traînent lamentablement les pieds et les problèmes soulignés il y a quelques années existent encore. Mme Fraser a donc décidé qu'à l'avenir un de ses quatre rapports annuels serait entièrement dédié à de tels retours. Deux fois valent mieux qu'une, semble-t-il.

«Les Canadiens me disent souvent que le gouvernement ne met pas en oeuvre nos recommandations de façon assez rapide et énergique, a déclaré Sheila Fraser. Je vois ceci comme un avertissement aux ministères: ils appuient nos recommandations initiales, ils reconnaissent le besoin de faire quelque chose, mais les améliorations arrivent à un rythme beaucoup trop lent et sont insuffisantes.»

Ainsi, les numéros d'assurance sociale, qui donnent notamment droit à l'assurance-emploi et à d'autres bénéfices, sont toujours aussi mal gérés qu'il y a quatre ans, moment de la vérification initiale. L'écart entre le nombre de cartes délivrées à des citoyens de 20 ans et plus et l'importance de ce groupe d'âge est maintenant de cinq millions, contre 3,8 millions en 1998. Le rapport de la vérificatrice générale rapporte un cas où 225 cartes d'assurance sociale différentes ont été envoyées à la même adresse et, dans plusieurs autres cas, une centaine, sans que le système sonne l'alarme. Ces cas ont été découverts lors d'une enquête interne effectuée par le ministère, mais celui-ci n'a pas jugé bon de faire un suivi pour vérifier s'il y avait eu fraude, déplore la vérificatrice générale.

La deuxième enquête de Mme Fraser a aussi permis de constater que le ministère n'avait toujours pas resserré les vérifications de l'identité des demandeurs et que des documents facilement falsifiables, comme le certificat de baptême du Québec, étaient encore acceptés (et ce, même si Québec a demandé qu'il ne le soit plus!). En outre, les NAS «900», assignés à des gens de passage au Canada (parce qu'ils ne sont ni citoyens, ni résidants permanents), n'avaient pas de date d'expiration.

Le passeport ne passe pas le test

Il semble toutefois que le rappel à l'ordre de la vérificatrice générale ait produit son effet. Le ministère du Développement des ressources humaines a annoncé hier des changements importants pour améliorer la situation. On avait même voulu détourner l'attention de la réprimande de Mme Fraser en coulant la veille dans des quotidiens anglophones les changements qui seraient apportés au programme.

Ainsi, les photocopies de documents ne seront plus acceptées comme pièces d'identification valides pour obtenir un NAS. De même, la liste des documents recevables a été rétrécie, avec un retrait surprenant: le passeport canadien. Celui-ci, en effet, ne sera plus accepté comme pièce d'identité valide. «On voulait que ce ne soit que des documents de source originale, explique le porte-parole André Hurtubise. Et le passeport est obtenu en présentant les autres pièces d'identité que nous exigeons.»

De plus, les NAS restés inactifs pendant cinq ans ou plus seront désactivés automatiquement, et ce, depuis hier. Enfin, les numéros «900» auront des dates d'expiration.

Ce qui a soulevé la colère de l'opposition, qui déplore que le gouvernement n'agisse qu'une fois acculé au mur. «Pourquoi la ministre a-t-elle attendu quatre ans avant de calfeutrer les failles et protéger les citoyens?», a lancé en Chambre l'allianciste John Williams. La ministre Jane Stewart a fait valoir que le contexte post-11 septembre amenait le gouvernement à agir.

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