L’Assemblée des Premières Nations réclame la démission du député de Val-d’Or

Le député Pierre Dufour a soulevé l’indignation en qualifiant publiquement l’émission Enquête, qui a exposé les sévices subis par des femmes autochtones, d’« émission bourrée de menteries qui a attaqué des policiers très honnêtes ». L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) a réclamé lundi sa démission.
Le député caquiste d’Abitibi-Est, Pierre Dufour, s’est exprimé au sujet de l’itinérance à Val-d’Or devant le conseil municipal, le soir du 15 mai dernier, en ces termes : « Vous avez travaillé, depuis votre arrivée en poste, avec un tas de merde qui a été créé particulièrement depuis 2015 lorsqu’il y a eu l’émission Enquête, une émission bourrée de menteries qui a attaqué des policiers très honnêtes. Je ne dis pas qu’il n’y avait peut-être pas eu quelques policiers véreux une trentaine d’années auparavant. Ils ont été attaqués. Ce reportage-là a gagné des prix, mais de l’autre côté, il a fait une scission en partant entre le corps policier et la Municipalité, qui n’a pas protégé ces policiers-là par la suite. Ils ont été en arrêt de travail entre dix et douze mois sans vraiment avoir la chance de débattre de leur situation. Encore une fois, la commission Viens a dit que les policiers de Val-d’Or racisaient les autochtones en donnant plus de tickets aux itinérants. Encore une fois, la Municipalité n’a pas défendu le corps policier. »
Ces propos ont soulevé l’ire des chefs locaux et nationaux des Premières Nations, en premier lieu Savanna McGregor, grande cheffe du Conseil tribal de la nation algonquine Anishinabeg. « L’itinérance n’est pas un choix de vie. Nos femmes qui se retrouvent dans la rue sont des victimes, pas des criminelles. Ce dont on a besoin de la part du gouvernement et de ses députés, c’est de l’aide, pas des attaques racistes. »
Ce genre de discours brise les minces liens de confiances entre les Autochtones et les Québécois, explique-t-elle en entrevue au Devoir. « Quand tu marches et tu vois ces gens, tu ne sais pas s’ils sont alliés ou s’ils pensent de nous comme Dufour. »
De telles déclarations publiques « inacceptables » jettent de l’huile sur un feu encore vif en Abitibi, renchérit le chef de l’APNQL, Ghislain Picard. « C’est souvent difficile en région. Ça prend juste une étincelle pour que ça se transforme en boucane noire », illustre-t-il. « Les esprits ont été remués à Val-d’Or en 2015. […] Faut faire attention de façon générale, et quand on est un élu, il faut en faire davantage. »
Le gouvernement se défend
Le député Pierre Dufour a d’ailleurs aussi plaidé le 15 mai dernier pour davantage de « répression » contre cette itinérance.
« On est plus dans la gestion par la tendresse, on est rendu dans la gestion où des mesures sérieuses doivent être prises. Quand on dit des mesures sérieuses, ça veut dire de la répression, d’enfermer le noyau de 25-30 individus qui font la crainte de tout le monde », a-t-il lancé au conseil municipal sous les applaudissements du public présent dans la salle.
Pierre Dufour s’est partiellement rétracté quelques jours plus tard. « La situation à Val-d’Or est préoccupante. C’est un dossier sensible et complexe. Je me suis exprimé sous l’émotion et certains mots ont dépassé ma pensée », a-t-il publié sur Facebook, sans s’excuser.
Questionné par Le Devoir, le gouvernement Legault a soutenu son député. « Mon collègue a reconnu qu’il s’était exprimé sous l’émotion et que certains de ses mots ont dépassé sa pensée », a défendu Ian Lafrenière, ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit. « Bien que des personnes autochtones aient été impliquées dans certains événements, la situation actuelle n’est pas un problème de relations entre Autochtones et Allochtones, mais un problème de criminalité et d’itinérance ».
Quelque 200 millions de dollars ont été investis par son gouvernement pour soutenir les recommandations de la commission Viens, plaide-t-il encore. « Le travail est loin d’être terminé et nous ne pouvons corriger 400 ans d’histoire en quelques mois, mais nous sommes toujours aussi déterminés à travailler ensemble. »