Les chevaux de bataille de la ministre Laforest
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Municipalités
Confirmée dans son poste de ministre des Affaires municipales à la suite de sa réélection en octobre 2022, Andrée Laforest souhaite continuer d’instaurer au Québec une nouvelle vision de l’aménagement du territoire, tout en protégeant mieux les élus municipaux.
Andrée Laforest est ministre des Affaires municipales depuis maintenant quatre ans et demi. Mine de rien, c’est le plus long séjour à ce poste depuis Bona Dussault (Union nationale), qui l’a occupé pendant près de neuf ans, entre 1944 et 1953. « Cette longévité a permis de créer une stabilité intéressante, et je suis assez contente de ce que nous avons réussi à accomplir en quatre ans et demi », assure la députée de Chicoutimi.
La durabilité n’est pas l’apanage de tous les élus municipaux. Certains ont démissionné ces dernières années, usés par l’intimidation dont ils ont fait l’objet. Encore récemment, le maire de Wickham, Ian Lacharité, et son successeur, Charles-Antoine Fauteux, ont quitté leur poste à quelques semaines d’intervalle en raison de menaces contre eux et leur famille. L’année d’avant, c’était le maire d’Abercorn et trois de ses conseillers qui abandonnaient la partie pour des raisons similaires.
Mardi dernier, la ministre des Affaires municipales a donc lancé un plan contre l’intimidation des élus municipaux pour tenter de contrer ce fléau. En 2021, le gouvernement avait déjà mis de l’avant un plan d’action pour favoriser le respect et la civilité et protéger la démocratie municipale. « Je me sens proche des élus municipaux, donc c’est sûr que je demeure très sensible à ce problème », confie-t-elle.
Le nouveau plan comprend 11 mesures pour lutter contre l’intimidation. Il a été élaboré en collaboration avec l’Union des municipalités du Québec et la Fédération québécoise des municipalités. Ces deux instances demandaient notamment de l’aide financière pour doter les élus de meilleures assurances ou encore pour les aider à payer des frais de justice. Le plan y consacrera 2 millions de dollars. Il prévoit en outre une campagne publicitaire au sujet de l’importance du travail des élus municipaux.
Mieux planifier l’aménagement du territoire
Parmi les réalisations dont elle est la plus fière, Andrée Laforest cite la première Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire (PNAAT), dévoilée en juin 2022. L’année précédente, la ministre avait lancé une « conversation nationale » pour créer une vision plus cohérente de l’aménagement du territoire québécois. « C’est un travail important, car il s’agit de préserver le territoire pour les prochaines générations, en misant sur une plus grande protection des milieux naturels, de l’eau et des terres agricoles, par exemple, et en renforçant notre adaptation aux changements climatiques », avance-t-elle.
Le projet de loi 16 (PL 16), déposé par la ministre en mars dernier, vise à moderniser le cadre législatif pour que les municipalités puissent atteindre plus aisément les objectifs de la Politique. « Nous avons lancé plusieurs programmes et investi beaucoup d’argent, mais nous devons nous assurer que le cadre réglementaire correspond aux besoins des municipalités, notamment en aménagement du territoire et en habitation », soutient la ministre.
Si le projet est adopté, les municipalités verront certains de leurs pouvoirs en aménagement du territoire bonifiés. Elles pourront, par exemple, utiliser un zonage incitatif, qui leur permettrait d’obtenir des engagements d’intérêt public de la part d’un promoteur immobilier en échange de certains avantages, comme le droit de construire des étages supplémentaires à un bâtiment. Elles gagneraient aussi un pouvoir de contrôle temporaire du développement pour des motifs liés à l’approvisionnement en eau potable ou au traitement des eaux usées.
Le projet de loi prévoit également une accélération des orientations gouvernementales, ainsi que la création d’indicateurs nationaux et régionaux pour mesurer les progrès réalisés. Le PL 16 propose notamment de réaliser un bilan tous les cinq ans. Certains, dont l’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ) et l’Alliance Ariane, se sont toutefois inquiétés du fait que ce bilan relèverait directement de la ministre. L’OUQ suggère de plutôt confier cette responsabilité à une nouvelle instance non partisane afin de réduire le risque de pressions politiques.
La gestion de l’eau
Plus récemment, le gouvernement québécois a lancé le nouveau Programme d’infrastructures municipales d’eau (PRIMEAU) en le dotant d’une enveloppe de 2,4 milliards de dollars. Ces subsides financeront des travaux d’infrastructures d’eau potable et d’eaux usées dans les municipalités. Une somme de 1 milliard de dollars est réservée aux grandes villes, et une autre, de 1,4 milliard, servira aux localités de moins de 100 000 habitants. Depuis 2018, le gouvernement québécois a investi 1,8 milliard de dollars pour soutenir des projets d’infrastructures de ce type. Il souhaite maintenant que chaque municipalité se dote, d’ici 2026, d’un plan de gestion des actifs en eau.
« Quand nous sommes arrivés au pouvoir, il y avait un déficit d’entretien de 40 milliards de dollars des infrastructures d’eau, qui aurait pu être évité grâce à une meilleure planification, déplore la ministre. Les municipalités devront désormais adopter une telle planification, et nous récompenserons celles qui affichent de bonnes pratiques dans ce domaine. »
Soutenir les petites municipalités
Depuis plusieurs années, plusieurs municipalités, surtout dans les régions plus éloignées des grands centres tels que le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, luttent contre la dévitalisation. Leur population vieillit, les commerces se raréfient (même certains commerces essentiels, comme les épiceries et les dépanneurs), et elles doivent souvent se battre pour conserver leurs écoles (quand elles en possèdent une).
Pendant la campagne électorale, François Legault a promis de consacrer 470 millions de dollars sur quatre ans pour soutenir les services de proximité, comme les marchés d’alimentation dans les petites municipalités. Elles peuvent déjà bénéficier d’une aide par l’entremise du Fonds régions et ruralité (FRR). Le FRR a succédé, en 2020, au Fonds d’appui au rayonnement des régions (FARR). « Son enveloppe de près de 1,3 milliard sur cinq ans sert à appuyer une multitude de projets dans des petites municipalités », résume Andrée Laforest.
Le FRR est l’un des leviers financiers de la Stratégie gouvernementale pour assurer l’occupation et la vitalité des territoires, dont le renouvellement occupera lui aussi la ministre Laforest au cours des prochains mois. En avril 2022, le Conseil des ministres a décidé de reporter la révision de la version 2018-2022. Celle-ci pourrait continuer de s’appliquer jusqu’à la fin de 2024.
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